Les vrais leviers de l’engagement et de la coopération… ce que les chercheurs ont à nous apprendre !

Je rencontre fréquemment des dirigeants qui se trouvent confrontés à une dynamique collective insatisfaisante et, bien souvent, problématique. Est-ce votre cas ?

Ayant le sentiment de tirer seul leur entreprise, ces dirigeants regrettent de ne pas être suivis, compris, soutenus. Ils rêveraient de vivre un autre collectif… plus impliqué, plus ouvert et plus désireux de réussir en équipe.

Au moment où leurs entreprises sont chahutées par la crise, la qualité du collectif devient plus critique que jamais à leurs yeux, car ils sentent à quel point ils ont besoin d’énergie, de créativité et d’agilité pour traverser ces moments difficiles.

La question de la dynamique collective me passionne depuis de nombreuses années au point de m’avoir poussé à quitter le monde de la finance pour y consacrer ma vie professionnelle. Au travers de mes apprentissages et de l’accompagnement d’une quinzaine de PME, start-up et start-up de l’ESS dans leurs transformations, j’ai acquis la conviction que les ressorts à l’œuvre étaient très largement incompris et qu’il était à la portée de chacun de changer radicalement la qualité des relations et de la collaboration régnant au sein de son entreprise ou association. C’est ce dont je souhaite vous convaincre au travers d’une série d’articles, dont celui-ci est le premier.

Je vous propose, dans les semaines qui viennent, de :

  • Revisiter vos croyances sur les raisons qui poussent vos salariés à s’engager et à coopérer,
  • Découvrir qu’il existe des approches fiables permettant d’améliorer sensiblement et rapidement le climat d’engagement et de coopération au sein de votre organisation,
  • Découvrir que l’installation de ce climat ouvert, loin d’apporter le chaos, peut être accompagnée de processus organisationnels permettant de focaliser l’énergie pour (beaucoup) plus de performance.

Commençons par revisiter (peut-être) vos croyances : Un peu de théorie sur ce qui peut inciter vos salariés (et vous par la même occasion) à s’engager et à coopérer pleinement ?

Enfonçons une porte ouverte : Les individus ne se montrent pas tous égaux en matière d’implication. Vous observez dans vos entreprises des personnes qui se montrent très positives, ouvertes et coopératives, alors que d’autres, parfois dans les mêmes fonctions, affichent au contraire une posture négative, peu engagée ou même contre-productive.

Pourquoi de tels écarts alors que les conditions de travail sont identiques ? Doit-on en conclure – c’est une croyance très répandue – que dans la vie, certaines personnes sont naturellement enclines à donner le meilleur d’elles-mêmes, alors que d’autres rechignent et font du mauvais esprit ? Doit-on alors se résigner à un seul levier d’action possible : se séparer des « mauvais » et essayer de n’embaucher que des « bons » dans l’espoir de construire enfin un collectif qui fonctionne ?

La réalité est plus complexe !

Les chercheurs l’ont largement démontré : C’est l’environnement de travail ou, pour être plus précis, la relation entre le salarié et son environnement de travail qui va conditionner la capacité de celui-ci à s’engager et à coopérer. La bonne nouvelle c’est que vous – dirigeants – avez la main pour faire évoluer cet environnement de travail !

Pour explorer cette thématique, nous pouvons nous appuyer sur quatre penseurs qui, en un demi-siècle, ont considérablement fait évoluer la compréhension que nous pouvions avoir des ressorts de l’engagement et de la coopération.

 

Maslow – La théorie de la motivation et des besoins

Il m’était impossible de ne pas commencer par citer Maslow, l’inspirateur des 3 théories qui vont suivre. Mais pas la peine de s’appesantir sur ses théories ni sur sa fameuse pyramide. J’invite ceux qui veulent se rafraîchir la mémoire à consulter sa page Wikipedia (lien indiqué au bas de cet article).

 

Herzberg – La théorie des deux facteurs

Inspiré par les recherches de Maslow, Frederick Herzberg s’est intéressé à la différence entre démotivation et motivation. Il montre dans sa théorie des deux facteurs (1964) que les facteurs qui contribuent à l’une ou à l’autre sont très différents et ne jouent, pour ainsi dire, pas sur le même tableau. Il distingue ainsi :

  • les facteurs d’hygiène (la sécurité de l’emploi, les conditions de travail, la rémunération…) qui peuvent créer de l’insatisfaction mais ne contribuent pas à augmenter la motivation des acteurs, et
  • les facteurs de motivation (le challenge, la reconnaissance, l’utilité de l’activité, le sentiment de responsabilité et de croissance personnelle) dont l’absence de crée pas d’insatisfaction mais dont la présence favorise la motivation des acteurs.

L’un des principaux apports concrets de la théorie d’Herzberg est de montrer que le renforcement des facteurs d’hygiène (y compris la rémunération) ne produit aucun supplément de motivation de la part des acteurs (voir le tableau un peu plus bas). Autrement dit, toutes les tables de ping-pong, les beaux bureaux et les augmentations salariales ne vous permettront pas de gagner en motivation de la part de vos collaborateurs (sauf ponctuellement au moment de l’annonce de ces dispositifs du fait que le geste en lui-même constitue un signe de reconnaissance – facteur de motivation).

Cette idée se heurte souvent de plein fouet aux croyances des dirigeants qui sont persuadés que la rémunération, en particulier, est un facteur déterminant de l’engagement des équipes. Ceux qui sont intéressés par creuser la question peuvent relire mon ancien article sur le sujet (dont j’indique le lien en bas du présent article) ou s’intéresser de plus près aux théories d’Herzberg.

Clé n°1 : L’individu maintient un bon niveau de motivation tant qu’il a l’impression que son emploi lui permet de grandir, de gagner en valeur, de faire quelque chose qui a du sens. La rémunération et les conditions de travail ne contribuent pas à la motivation, mais engendrent des plaintes quand elles sont jugées insuffisantes.

 

Deci et Ryan – La théorie de l’auto-détermination

Les recherches d’Edward L. Deci et Richard M. Ryan (théorie de l’auto-détermination – 1985) complètent le regard d’Herzberg en détaillant les différents types de motivation au travail et en introduisant le concept de « motivation intrinsèque », dont l’expérience montre qu’elle a un impact majeur sur la vitalité, la concentration, la persévérance et l’effort des acteurs.

Pour eux, la motivation intrinsèque se manifeste lorsque la situation professionnelle, telle que vécue par l’individu, permet à celui-ci de répondre favorablement à trois besoins psychologiques fondamentaux :

  • le besoin d’autonomie,
  • le besoin de compétence (se sentir compétent, efficace), et
  • le besoin de proximité sociale (la connexion aux autres, l’attention reçue).

La mise à jour de ces trois besoins spécifiques et la théorisation d’une échelle de la motivation (a-motivation / motivation extrinsèque / motivation intrinsèque) propose aux organisations un champ d’action plus précis et plus concret pour favoriser la motivation des acteurs.

Autre fait très intéressant qui rejoint les thèses , les expériences menées par Deci & Ryan montrent qu’on peut diminuer le niveau d’intérêt (de motivation intrinsèque) d’un individu pour une tâche en le rémunérant pour la réaliser. Totalement contre-intuitif, c’est pourtant la réalité expérimentale! Une invitation à questionner nos croyances sur la relation entre motivation et rémunération ?

Clé n°2 : Trois ingrédients – l’autonomie, la compétence et la proximité sociale – sont nécessaires pour que les acteurs puissent accéder à la motivation intrinsèque et ainsi donner le meilleur d’eux-mêmes au travail. Ces ingrédients sont suffisamment concrets pour que l’entreprise puisse adopter un comportement pro-actif visant à les installer dans ses rangs.

 

 

Schutz – l’Élément Humain

L’approche de l’Élément Humain développée par Will Schutz et présentée dans son ouvrage éponyme édité en 1994 offre une nouvelle perspective sur ce qui conditionne la capacité d’un groupe d’individus à collaborer efficacement.

Avec lui nous sortons de la seule question de la motivation (niveau de l’individu), pour observer la manière dont l’équipe collabore. Car, si la motivation favorise l’implication individuelle de chacun des acteurs, elle n’est pas suffisante pour garantir une collaboration fluide et productive entre eux. En effet, Schutz montre comment l’individu « insécurisé » (ce qui ici n’est pas incompatible avec un bon niveau de motivation) adopte des postures rigides qui vont entraver sa capacité à collaborer. Soulignons que la cause (l’insécurité) autant que les conséquences (les postures rigides) peuvent être tout à fait inconscientes pour l’individu concerné, ce qui rend le problème plus complexe à résoudre. Des exemples de ces postures rigides se trouvent tout autour de nous dans nos organisations : l’individu qui monopolise la parole, celui au contraire qui se tient en retrait et refuse de s’impliquer, celui qui a besoin de tout contrôler, celui qui accuse toujours les autres, celui qui n’a pas confiance en lui et n’ose pas donner son idée, etc.

Schutz propose qu’il est possible de réduire considérablement ces postures rigides en installant un climat dit « ouvert » qui va offrir suffisamment de sécurité psychologique aux individus pour que ceux-ci puissent « lâcher » leur routines défensives et se mettre totalement au service de l’effort collectif. Le résultat : une efficacité collective très largement augmentée.

Il postule que trois ingrédients sont nécessaires pour que l’individu trouve cette sécurité personnelle (nous pourrions parler de « confiance ») au sein d’un groupe :

  • l’inclusion (le fait de se sentir « dedans » l’équipe)
  • le contrôle (le sentiment de compétence et de maîtrise, d’être « au-dessus »)
  • l’ouverture (le fait de se sentir libre de dire ce que l’on pense et l’on ressent)

Il donne aussi des clés pratiques pour comprendre comment favoriser l’installation de ces ingrédients au sein de nos entreprises. Des coachs sont régulièrement formés à l’approche de l’Élément Humain un peu partout dans le monde.

Clé n°3 : il est possible d’améliorer significativement l’efficacité de la collaboration au sein d’un collectif en installant un climat de sécurité et d’ouverture entre les individus, un climat dans lequel ceux-ci se sentiront inclus, compétents et ouverts.

 

Il me semble que ces trois approches conceptuelles dévoilent des leviers d’action tout à fait remarquables pour agir et améliorer fortement le niveau d’engagement et de coopération au sein de nos organisations.

Avez-vous remarqué un point commun entre-elles ? Pour moi, elles nous renvoient toutes à une question fondamentale et universelle. Une question que chaque individu se pose en permanence et qui conditionne son engagement, sa capacité à collaborer et son ouverture au changement… Cette question, c’est : « quelle est ma valeur ? » ou, en la contextualisant au monde du travail, « qu’est-ce que cette organisation me dit de ma valeur ? »

L’individu se sent-il accueilli par les autres membres de l’organisation ? Se sent-il compétent et reconnu ? Jouit-il d’un niveau d’autonomie suffisant pour s’exprimer et montrer sa valeur ? Peut-il prendre la parole de manière authentique sans peur d’être jugé ?

Les réponses qu’il apportera à ces questions conditionneront très directement les comportements qu’il adoptera au sein du collectif. Le tableau suivant est une première tentative pour rendre compte des cas de figure que vous pourriez rencontrer dans vos organisations.

 

Ce nouveau point de vue – l’importance que revêt la perception de sa propre valeur dans la capacité d’un individu à s’engager et à coopérer – m’a permis de faire considérablement évoluer ma pratique d’accompagnement des transformations (cf. mon ancien article sur « Comment votre regard peut transformer votre organisation (ou pas) » dont le lien est indiqué en bas de page).

Évidemment, il ne vous aura pas échappé qu’il y a un aspect très subjectif dans le jugement que tout un chacun porte sur sa propre valeur et la reconnaissance de celle-ci par les autres. Deux individus confrontés à la même situation pourraient ne pas porter le même regard sur celle-ci, ni avoir les mêmes attentes. Vous verrez que cette subjectivité n’entrave pas les possibilités d’action pour changer ce regard dans la mesure où ces actions se focalisent sur l’installation d’un climat d’ouverture générique (inclusion, autonomie, compétence et ouverture) qui permettra au plus grand nombre de répondre à ses propres besoins.

 

Conclusion

Mais comment faire un usage concret de ce nouveau regard dans votre entreprise ? C’est ce que je vous propose d’aborder dans un prochain article. Je vous décrirai comment on peut en très peu de temps – quelques mois – modifier radicalement le niveau d’engagement et de coopération au sein d’un collectif, quel que soit ce collectif (ses membres, les contraintes qui s’exercent sur lui ou pas…).

Pour aller plus loin :

La vérité sur ce qui nous motive, Daniel Pink, Leduc.S Éditions, 2009

L’Élément Humain, Will Schutz, InterÉditions – Dunod, 2006

Abraham Maslow (Wikipedia)

Two Factor Theory – Herzberg, 1964

Self-determination Theory – Deci & Ryan 1985

Comment votre regard peut transformer votre organisation (ou pas) – Thierry Gauthron 2018

Relation entre rémunération et motivation des salariés – Thierry Gauthron 2013

 

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