CSRD : quels impacts pour les PME françaises ?

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est une nouvelle réglementation européenne relative à la publication de données extra-financières. Plus qu’une évolution c’est avant tout un complément de l’actuel NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui donnait jusqu’à présent un cadre relativement ouvert aux entreprises pour la publication de leurs données RSE.

Elle a pour objectif d’améliorer la pertinence et la précision des données fournies, et d’élargir le périmètre des entreprises concernées. Elle entrera en vigueur à partir de 2024 et s’appliquera de manière progressive jusqu’en 2027.  
 
Les entreprises relevant de cette nouvelle réglementation devront inclure des informations sur leur impact environnemental, social et de gouvernance dans leurs rapport financier. Elles devront également établir une stratégie de durabilité et une analyse de matérialité pour identifier les sujets les plus importants pour leur activité. 
 
C’est une évolution majeur vers plus de responsabilisation sur les enjeux environnementaux. Les grandes entreprises vont devoir renforcer leur stratégie, et il est impératif que celles nouvellement concernées s’y préparent. Pour toutes les autres, que ce soit pour les relations commerciales, les besoins d’investissements ou pour affirmer leurs engagements, cette évolution est à suivre de près. En effet, toutes les entreprises ne sont pas concernées, mais, par effet de cascade, les contraintes pesant sur les donneurs d’ordre auront un impact important sur l’ensemble des marchés.

Un peu d’histoire

Si les prémices des analyses extra financières remontent aux années 70 avec la volonté de certains investisseurs de sélectionner des entreprises conformes à leurs éthiques, en Europe c’est au début des années 2000 qu’une première prise de conscience des enjeux écologiques et de leurs impacts sur notre économie apparait. Les institutions Européennes comprennent alors l’importance de donner un cadre à la notion d’investissement responsable et mettent en place un rapport de gestion qui contient un exposé fidèle sur l’évolution des affaires, les résultats et la situation de l’entreprise, ainsi qu’une description des principaux risques et incertitudes auxquels elle est confrontée.  
 
En 2014, la Directive Européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive) est créée avec une obligation de produire un reporting extra-financier suivant un cadre relativement vague, et impose à certaines grandes entreprises de divulguer des informations sur la manière dont elles opèrent et répondent aux défis sociaux et environnementaux de notre société. Cette directive est transposée en droit Français en 2017 avec la Déclaration de Performance Extra-Financières (DPEF).  


NFRD, une première étape franchie

Depuis son entrée en vigueur en 2017, cette directive a permis d’inscrire les enjeux du développement durable dans la performance globale des entreprises et à contribuer à faire progresser les bonnes pratiques :
 

  • Définition de normes sur la divulgation d’information extra-financières,
  • Plus de transparence pour les parties prenantes,
  • Promotion de la prise en compte des enjeux environnementaux dans les stratégies d’entreprises,
  • Meilleur compréhension des risques et opportunités sur leurs business.

En France, on parle de DPEF, Déclaration de la Performance Extra-Financière, c’est un rapport qui doit être publié par les grandes entreprises françaises cotées en bourse ayant plus de 500 salariés ou un CA supérieur à 40 millions d’euros, et les entreprises non cotées qui emploient plus de 500 salariés et qui ont un chiffre d’affaires annuel de plus de 100 millions d’euros.

En l’absence de cadre précis, un reporting RSE pouvait se résumer à une liste d’actions et d’indicateurs, sans engagements mesurables ni contrepartie à respecter d’une année à l’autre. Avec ce bilan dans le cadre de la NFRD, cela permet aux entreprises d’identifier des enjeux prioritaires et de dégager des engagements RSE qu’elles doivent suivre. Il faut le voir davantage comme un outil de pilotage stratégique, accessible aussi bien en interne qu’en externe et qui dresse les priorités de la stratégie RSE, et de la stratégie globale. 

 

La CSRD, des nouvelles obligations pour aller plus loin

La directive NFRD ne concernait qu’un nombre réduit d’organisations, les informations communiquées ne répondaient pas forcément aux enjeux actuels et étaient difficilement comparables d’une entreprise à une autre. 

C’est pour répondre à ces problématiques que la Commission Européenne a présenté le 21 avril 2021 la nouvelle proposition relative à la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et qui a été approuvé par le parlement le 10 novembre 2022.

Ce texte vise à accroître la responsabilité des entreprises, à harmoniser les reportings et prévoit un accès numérique aux informations liées au développement durable. Il est également demandé de fournir des informations supplémentaires sur la gestion des risques liés au changement climatique. 

Bien que le contenu précis du rapport de durabilité confié à l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) ne soit pas encore définitif, nous en connaissons déjà les principaux thèmes : 

Un périmètre plus large

L’objectif de ce texte complémentaire au NFRD est de collecter des informations plus détaillées auprès de grandes entreprises et d’étendre le périmètre vers les PME cotées sur les sujets de durabilités?en appliquant le concept de double matérialité (Impact de l’entreprise sur son environnement et réciproquement l’impact de l’environnement sur l’entreprise). Les entreprises devront donc indiquer si les risques liés au réchauffement climatique peuvent affecter leurs performances et quelles actions elles envisagent de mettre en place.
 

Un accès simplifié

A la différence de la NFRD, il est prévu une meilleure accessibilité en imposant aux entreprises de publier leurs données suivant un référentiel commun intégré au rapport de gestion. 

 

Un format électronique

Les données complétées dans le rapport de gestion seront mis à disposition sous un format électronique, accessibles aux organes de régulation, des investisseurs et du grand public.
 

Une obligation de vérification  

Les données renseignées par les entreprises dans leurs reportings de durabilité devront être certifiées par un auditeur indépendant.

Etes-vous concernés ?

Jusqu’à présent, les règles de l’UE en matière de reporting ESG ne s’appliquaient qu’aux grandes entreprises de plus de 500 salariés et les entreprises cotées. 

Avec cette nouvelle réglementation, ce sont les entreprises répondant à au moins 2 des caractéristiques suivantes qui seront concernées :

  • Chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros
  • Plus de 250 salariés
  • Bilan supérieur à 20 millions d’euros

Les PME cotées sur les marchés européens et qui répondent à au moins 2 critères ci-dessous :

  • 50 salariés ou plus
  • Générer 8 millions d’euros de chiffre d’affaires ou plus.
  • Avoir un bilan de 4 millions d’euros ou plus. 

A noter que les micro-entreprises cotées ne seront pas concernées par la directive CSRD sauf si elles dépassent l’un des trois critères suivants :

  • 700 000 euros de chiffre d’affaires
  • Bilan de 350 000 euros
  • 10 salariés 

Mécaniquement, le nombre d’entreprises concernées va donc augmenter, passant ainsi de plus de 11700 à près de 49000 entreprises. Toutes les grandes sociétés et la majorité des sociétés cotées en bourse restent assujetties à cette déclaration extra-financière. 

Quelles sont les sociétés les plus impactées ?

Si l’évolution avec cette nouvelle réglementation sera importante pour toutes les entreprises concernées, c’est bien pour les PME cotées que l’impact sera le plus grand car jusqu’à présent elles n’étaient pas tenues de faire de rapport extra financier.

Et pour les autres ?

Cela dit, même si vous n’êtes pas concernés directement pas cette nouvelle directive, vos investisseurs, vos clients, fournisseurs et autres parties prenantes le seront probablement, et vous pourriez être amenés à fournir des informations dans ce sens.

En effet cette directive exige des vérifications des documents et une déclaration selon les normes obligatoires de l’UE, de manière notamment à les rendre disponibles en ligne pour consultation.

Plus largement, la transition vers une économie durable signifiera probablement que la collecte et le partage d’informations sur la durabilité seront de plus en plus intégrés dans les échanges commerciaux ou avec les investisseurs. 

Quelles échéances ? 

Le déploiement de cette nouvelle obligation sera progressif jusqu’en 2027 selon le cas.

La NFRD reste en vigueur jusqu’en 2023 pour la publication de leur rapport 2024,

La première année prise en compte portera sur 2024 avec l’obligation d’émettre un rapport suivant la nouvelle réglementation CSRD pour 2025 pour les entreprises déjà visées par la NFRD, et pour 2026 pour toutes les nouvelles entreprises concernées. 

Les PME rentrant dans le champ d’application ne seront concernées que pour l’exercice 2026, soit l’édition du rapport en 2027.

De nouvelles exigences ?

Pour les grandes entreprises, on retrouve dans cette nouvelle directive des éléments déjà exigés dans le cadre de l’actuel NFRD et précise le contenu du nouveau rapport de gestion attendu?:

  • Modèle d’affaires et stratégie économique de l’entreprise
  • Objectifs en matière de durabilité, (trajectoire carbone et les objectifs de réduction)
  • Organes de gouvernance chargés des questions de durabilité
  • Politiques mises en place en matière de durabilité
  • Processus de due diligence matière de durabilité
  • Effets négatifs actuels ou potentiels générés par l’entreprise ou sa chaîne de valeur, et les actions de réduction
  • Risques environnementaux et sociétaux auxquels l’entreprise est confrontée et la manière dont elle gère
  • Indicateurs pertinents pour l’ensemble des informations divulguées 
Certaines nouvelles exigences présentent des avancées significatives et contraignantes pour les entreprises
  • Identification des différents leviers de décarbonation ainsi que des “futures” émissions causées par les décisions prises aujourd’hui, ce qui nécessitera des efforts de modélisation.
  • Divulgation d’un objectif de trajectoire carbone compatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C.
  • Obligation d’inclure dans des objectifs de réduction pour les émissions de Scope 1, 2 et 3 ce qui rend la réalisation d’un bilan carbone obligatoire.  
Pour les PME concernées, une déclaration simplifiée sera mise en place avec un contenu allégé  
  • Brève description du modèle d’affaires de l’entreprise et sa stratégie d’entreprise
  • Description des politiques de l’entreprise en matière de durabilité
  • Liste des principaux effets négatifs actuels ou potentiels de l’entreprise sur l’environnement et la société
  • Principaux risques environnementaux et sociétaux et la manière dont elle gère ces risques
  • Indicateurs pertinents pour l’ensemble des informations divulguées

La CSRD, une opportunité ?  

Cette nouvelle directive rapproche davantage les entreprises vers la triple comptabilité, un concept qui plaide pour l’élargissement du champ d’évaluation des performances de l’entreprise en y intégrant en plus de la performance économique, les dimensions sociales et environnementales.  

L’évaluation de la performance globale deviendra alors plus précise et plus pertinente. Cela va permettre aux entreprises d’affiner les prises de décisions pour assurer plus de compétitivité et de pérennité.  

A ce titre, même si aujourd’hui vous n’êtes pas concernée par cette évolution, vous seriez gagnant à inscrire votre entreprise dans une dynamique plus durable pour être en phase avec les attentes des parties prenantes : investisseurs, clients, consommateurs, collaborateurs, associations, tous exigent plus de transparence et de contribution des entreprises. 

  • Avec les investisseurs, vous pourriez leurs fournir des données conformes aux standards et améliorer la valorisation de votre entreprise.  
  • Pour vos actionnaires, vous seriez mieux préparés à répondre leurs besoins de reporting 
  • Pour vos clients, vous pourriez faire valoir cette démarche lors d’appels d’offres et augmenter vos chances de décrocher de nouveaux contrats. 
  • Avec les fournisseurs, vous seriez plus agile pour vous adapter aux évolutions réglementaires et anticiper  
  • Enfin, avec les salariés, montrer un engagement volontaire au travers d’un tel cadre peut-être un vecteur d’engagement et d’attractivité.

En conclusion

La CSRD trace les contours des exigences renforcées en termes de développement durable en Europe. Elle dessine ainsi le « terrain de jeu » sur lequel toutes les entreprises, qu’elles soient directement visées par la directive ou pas, devront évoluer demain. S’y préparer de façon volontariste, c’est préparer son entreprise au contexte de marchés qui prévaudra.

 

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Vincent Barreau

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Mail : vincent@altman-partners.com

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