Atman Partners soutient cette année encore le voyage des baroudeurs de l’innovation managériale, à la découverte des entreprises qui s’organisent… autrement. Cassandre et Matthieu nous invite à découvrir Nearsoft qui est une entreprise mexicaine fondée en 2007 proposant des solutions software externalisées et personnalisées. L’entreprise emploie à ce jour environ 350 personnes dans ses trois locaux au Mexique : Hermosillo, Chihuahua, Mexico et San Jose aux États-Unis. Nearsoft a connu une croissance importante ces dernières années mais a su tout de même conserver une culture d’entreprise forte fondée sur la confiance et la liberté sans déroger au self-management.
Au cours de notre séjour chargé en Californie, nous avons manqué de peu Matt Perez, le PDG de Nearsoft basé à San José, alors lorsque nous sommes arrivés à Mexico, nous ne voulions en aucun cas rater l’occasion de rencontrer ses collaborateurs mexicains. C’est au cours de notre première semaine au Mexique que nous avons pu échanger avec Dayra, Carlos et Christian, qui nous ont permis de découvrir leur quotidien chez Nearsoft, qui développe selon ses propres convictions différents concepts évoqués par Ricardo Semler dans ses livres The Seven-day Weekend et Maverick has led to his progressive ideas.
Ce qui nous interpelle
Le self-management
L’apogée de la confiance et de la responsabilisation !
Nearsoft a longtemps été une entreprise hiérarchique comme les autres jusqu’au jour où, à deux doigts de la faillite, Matt Perez, nouvellement PDG, a choisi de mettre un terme à la structure managériale défaillante et inadaptée de l’entreprise. Une nouvelle culture managériale a alors vu le jour. Centrée sur l’humain et la collaboration, elle correspondait parfaitement au self-management que Nearsoft a adopté au cours de ces années difficiles. Depuis l’entreprise s’est relevée et s’est révélée bien plus performante. Alors quelles sont les clés de cette réussite et comment les collaborateurs vivent-ils le self-management au quotidien?
Chez Nearsoft, il n’y a pas de manager, pas de boss. Carlos nous explique clairement que personne n’est contrôlé, ni commandé car tous les collaborateurs sont extrêmement responsabilisés. Cependant, cela ne veut pas dire que Nearsoft ne possède pas de structure managériale. Cette dernière existe mais se révèle particulièrement horizontale et démocratique. Les collaborateurs ont d’ailleurs souhaité aller plus loin car pour Matt Pérez le directeur, distribuer le pouvoir et accorder des libertés impliquent toujours une dépendance due au fait qu’à tout moment, celui ou ceux qui donnent ce pouvoir peuvent le reprendre. C’est pourquoi la notion de self-management a été adapté à l’entreprise. Chez Nearsoft, on encourage la liberté responsable : une grande liberté implique une grande responsabilité.
Il n’y a pas d’« accord de responsabilité » mais un contrat imaginaire est signé dès l’entrée dans l’entreprise : les collègues s’engagent à travailler pleinement à la réalisation de la mission de l’entreprise, de sa vision et de ses valeurs et acceptent d’être responsables de toutes actions qui entrent dans leur champ d’activité et d’être garant de ses ressources et objectifs. Chacun s’engage donc à se considérer comme propriétaire de son travail, ce qui le responsabilise et lui procure toutes les libertés nécessaires à sa réalisation. Le sentiment d’appartenance et de confiance est donc très fort chez les collaborateurs de Nearsoft.
L’abandon du contrôle
Nearsoft possède une et une seule règle : ne pas créer de règles ! La priorité est donnée à la liberté et la responsabilité. Au quotidien, cela se concrétise par des prises de décision conseillée, des conversations constructives sur de nouveaux projets… Le seul prérequis est que les actions et les décisions des collaborateurs doivent toujours être alignés avec les valeurs de l’entreprise : le leadership, l’engagement, l’esprit d’équipe, les relations de long terme, être intelligent et accomplir ses projets, ainsi que ses principes : la transparence et l’honnêteté. En effet, chez Nearsoft, ces quelques mots ne sont pas seulement affichés sur les murs de l’entreprise, ils sont appliqués au quotidien dans chaque projet et chaque décision prise par les collaborateurs.
C’est l’équipe des opérations qui s’assure que ce prérequis est respecté afin de préserver une collaboration performante et pérenne entre les collaborateurs. La personne au poste de People Development a également un rôle à jouer dans le succès de la culture managériale puisqu’elle assure un suivi permanent des collaborateurs en leur apportant son aide et ses conseils dans des situations difficiles. Deux fois par an, cette personne reçoit individuellement chaque collaborateur pour faire le point sur son parcours professionnel et son épanouissement au sein de l’entreprise.
Quelques méthodes à suivre…
Si Nearsoft bannit les règles, certaines méthodes sont cependant utilisées par les collaborateurs pour assurer le bon déroulement des projets. Parmi elles on retrouve :
- la méthode agile et surtout les stand-up meeting du matin qui permettent de faire le point sur l’avancement des projets et le planning du jour ;
- les tactical meetings propres à l’holacracie dont la gestion très particulière est détaillée dans notre article sur Springest, entreprise que nous avons rencontré aux Pays-Bas ;
- le salary review effectué par l’équipe des opérations qui est en charge de fixer les salaires en fonction de la moyenne salariale de l’équipe de chaque collaborateur. Ces salary reviews ont lieu une fois par an et permettent aux employés de s’exprimer : sont-ils satisfaits ou non de leur salaire ?
Ces trois méthodes sont toutes inspirées de différents modèles managériaux sans que Nearsoft n’ait cherché à coller à un seul de ces modèles. Il y a une réelle volonté de personnalisation pour mettre en place des méthodes qui correspondent au self-management et à la volonté des collaborateurs de l’entreprise.
Pourquoi ça marche ?
Valoriser l’échec et l’expérimentation
Un des facteurs principaux de réussite de Nearsoft est l’audace et l’expérimentation constante de ses employés, qui adoptent un esprit entrepreneurial très valorisé par l’entreprise. Lorsqu’un collaborateur a une idée et souhaite la mettre en œuvre dans l’entreprise, une fois qu’il obtient le soutien de la majorité de l’équipe, il est totalement libre de former son équipe et de se lancer dans la réalisation de son idée. Naturellement, de nombreux projets échouent. Cependant, les projets ne sont abandonnés qu’après trois réunions effectuées entre les personnes concernées et les leaders afin de déterminer, au travers d’un débat formé autour de deux équipes, une pour et une contre le projet, si vraiment ce dernier a ou non sa place dans l’entreprise.
C’est notamment dans le cadre de cette expérimentation constante que Nearsoft incite au développement de nouvelles compétences en interne. Le Wellbeing IT est une initiative non obligatoire proposée par l’entreprise aux employés qui souhaitent diversifier leurs connaissances afin de développer de nouveaux projets. Les sujets couverts par ce programme sont très vastes, de l’intelligence émotionnelle au Big Data, Nearsoft finance totalement l’implication de ses employés dans ces nouvelles thématiques.
Un programme d’intégration intense
Christian, membre de l’équipe de recrutement et Dayra, membre de l’équipe de formation, nous expliquent le processus très intense de recrutement et de formation d’un nouveau collaborateur chez Nearsoft. Ce programme dure six semaines et a pour but d’initier les nouveaux arrivants au self-management et aux méthodes de collaboration de l’entreprise. Ils sont incités à trouver leur propre chemin au sein de l’entreprise, même si de nombreux dénominateurs communs rassemblent les nouveaux arrivants : des cours sur la culture managériale, sur les façons de communiquer ou encore sur les méthodes de feedbacks sont dispensés. Une des étapes principales de ce programme est la communication des chiffres clés de l’entreprise, afin que chacun soit en mesure de comprendre et d’avoir accès aux informations sur les profits, les pertes, les budgets et les finances de l’entreprise.
Par ailleurs, des déjeuners sont organisés entre collaborateurs d’expérience et nouveaux arrivants afin de promouvoir les échanges informels sur ce en quoi va consister leur travail et avoir les connaissances suffisantes pour aborder sereinement les premières semaines dans l’entreprise.
La Team Building Week : Créer un esprit de confiance et de convivialité
Chez Nearsoft, il n’y a pas de managers donc aucune personne en charge d’organiser des activités régulières de Team Building.
D’ailleurs, pour Dayra et Christian, les activités éphémères n’ont pas beaucoup de sens car elles contraignent plus qu’elles ne rassemblent. Nos deux interlocuteurs préfèrent la manière dont Nearsoft envisage les team buildings : organiser un évènement global, qui rassemble tous les collaborateurs de l’entreprise, non seulement pendant l’événement, mais aussi durant toute la phase d’organisation. La Team Building Week est organisée une fois par an dans un lieu choisi par les collaborateurs au Mexique et rassemble toute l’entreprise autour de jeux, de soirées et de déjeuners offerts par cette dernière.
Priorité au bien-être
Dayra nous explique que la croissance de l’entreprise est de plus en plus remise en cause en raison du rachat de Nearsoft par un géant des logiciels Indiens qui désire développer l’entreprise dans toute l’Amérique Latine. Toutefois, Matt Pérez, le directeur ne va pas multiplier le nombre de personnes dans les locaux situés au Mexique et aux États-Unis. Carlos nous explique sa pensée : lorsqu’on dépasse un certain nombre de collaborateurs présents sur le même lieu de travail, on perd l’esprit de convivialité si cher à Nearsoft. Ainsi, suite à l’augmentation du nombre d’employés, les collaborateurs ont demandé l’ouverture de nouveaux locaux afin de ne jamais dépasser le nombre symbolique de 150 personnes par lieu de travail.
En plus ….
Notre ressenti
Nous avons partagé un moment d’échange et de convivialité fort avec nos trois interlocuteurs de Nearsoft avec qui nous avons déjeuné après l’entretien et qui nous ont fait goûter les meilleurs churros de Mexico !
Leurs mots ont su transmettre l’atmosphère de confiance, de convivialité et d’entraide qui règne au sein de l’entreprise. Nous citerons Carlos, l’un des plus anciens collaborateurs de l’entreprise et aussi l’un des plus âgés, au sujet de Dayra et Christian pour clôturer cet article : « Vous savez, c’est grâce à des petits jeunes comme ça que l’entreprise est devenue ce qu’elle est aujourd’hui : un lieu d’apprentissage constant, de développement personnel intense au côté de personnes formidables qui donneront tout pour la réussite non seulement de l’entreprise mais aussi et surtout de leurs collègues. »
Son émotion a été bien au-delà des mots et c’est aussi pour des moments d’humanité aussi intenses que nous avons fait ce voyage !
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