Google est une entreprise américaine de services technologiques fondée en 1998 par Larry Page et Sergueï Brin. Cassandre et Matthieu, les Baroudeurs de l’Innovation Managériale qu’Altman Partners soutient dans leur périple autour du monde, sont allés visiter leurs bureaux aux Etats-Unis.
L’entreprise s’est principalement faite connaître au travers de la situation monopolistique de son moteur de recherche avant de procéder à de nombreux acquisitions et développement. Elle détient aujourd’hui de nombreux logiciels et sites internet notables tels que YouTube, Android, Google Earth, Google Maps ou Google Play. Aujourd’hui Google compte plus de 80 000 employés à travers le monde.
Toutes les entreprises ont un jour entendu les histoires qui relatent l’incroyable abondance des avantages accordés aux employés de chez Google. Des plats gourmands aux salles de gym toutes équipées en passant par des massages gratuits, tout est mis en œuvre pour favoriser le bien-être des employés sur leur lieu de travail. Tout semble réalisable et rien n’est assez fou pour les Googlers. Google est d’ailleurs régulièrement référencée comme une des entreprises les plus agréables par Forbes, Fortune ou encore Glassdoor.
Nous souhaitions donc absolument rencontrer un employé de chez Google pour discuter avec lui de son quotidien et lever les doutes sur certaines pratiques médiatisées. Nous avons eu énormément de difficulté à trouver une personne d’accord pour s’entretenir avec nous et n’avons pas pu visiter les locaux. Les règles de confidentialité sont très strictes et nous n’avons pas pu passer outre. Sur demande de notre interlocuteur chez Google, nous ne mentionnerons pas son nom dans cet article.
Privée de certaines informations par les règles de confidentialité auxquelles était soumis notre interlocuteur, notre article fait également référence au livre Work rules ! de Laszlo Bock, ancien directeur des ressources humaines chez Google.
Ce qui nous interpelle
Qu’est-ce qu’un bon manager ?
Un manager à l’écoute
Le management chez Google se construit au jour le jour grâce à l’écoute permanente du manager envers ses collaborateurs. Cette écoute se manifeste par plusieurs pratiques simples. Deux fois par an est organisé le Manager feedback survey qui consiste à évaluer ses managers via un questionnaire de 13 questions sur leurs attitudes et comportements au quotidien. Ce questionnaire est anonyme et doit être rempli par tous les collaborateurs. Les 11 premières questions sont sous forme d’affirmations où les employés accordent une note allant de 1 à 10. On y trouve par exemple des affirmations comme « Mon manager me considère en tant que personne. ». Les deux dernières questions sont quant à elles totalement ouvertes et attendent une réponse argumentée de la part des collaborateurs :
- Qu’est-ce que mon manager doit changer ?
- Qu’est-ce que mon manager doit continuer à faire ?
Ces feedbacks ont permis à Google de définir clairement le rôle du manager : tout mettre à disposition de ses collaborateurs afin de créer un environnement propice à l’innovation et à leur accomplissement professionnel et personnel. C’est en ce sens que les Career Conversations worksheets ont été créés afin de permettre à chacun d’obtenir une écoute active et de construire le parcours professionnel le plus proche de leurs aspirations. Pour se faire, Google utilise le modèle GROW (Goal, Reality, Options, Will) :
- Goal : quelles sont les attentes des collaborateurs en termes de carrières ;
- Reality : faire comprendre à chacun son rôle et sa place actuelle dans l’entreprise en fonction de ses compétences afin que tout le monde se sente à sa place ;
- Options : faire émerger plusieurs options et alternatives afin de réduire le fossé entre but et réalité ;
- Will : Identifier les étapes pour faire du but du collaborateur une réalité.
En parallèle, les leaders encouragent l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle chez leurs collègues par le biais des One simple thing worksheets. Grâce à cette méthode, les collaborateurs se fixent des objectifs réalisables concernant la répartition de leur temps de travail. L’objectif est par exemple de ne pas travailler le jeudi après-midi afin de profiter de ses enfants ou d’aller à la piscine. De nombreuses études réalisées par les chercheurs de Google montrent qu’une répartition équitable du temps de travail et de loisir est une excellente façon de fidéliser ses employés et de les rendre plus efficients.
La clé de la réussite de ces méthodes réside dans la confiance entretenue entre les managers et les collaborateurs. Cela leur permet d’être plus ouverts et d’exprimer plus librement leurs besoins et leurs ressentis. Afin de favoriser ce partage, les Google cafés, des rencontres informelles entre leaders et collaborateurs, sont organisés chaque semaine.
L’art de se réinventer
Des avantages réels pour une émulation positive
Croyez-le ou non, tous les avantages mis à disposition des employés sont bien réels. Des bus équipés avec le wifi qui font véritablement office de locaux mouvants aux studios de yoga en passant par les services de lingerie, les terrasses extérieures, les coachs fitness ou encore les piscines, tout y est.
Tout ceci n’est pas seulement un moyen de créer un environnement confortable dans lequel tout le monde se sent bien, c’est également un moyen de stimuler les rencontres fortuites entre les collaborateurs en dehors des réunions organisées. Les opportunités sont donc plus grandes d’échanger sur de nouveaux projets et évoquer de nouvelles idées innovantes et créatives.
Engager les collaborateurs dans une dynamique d’amélioration continue
Google a longtemps fait office de pionnier s’agissant des nouvelles méthodes de travail, et pas seulement grâce aux nombreux avantages qu’elle procure aux employés. En effet, ses fondateurs Sergey Brin et Larry Page ont rapidement mis en place les All-hands meetings, moments privilégiés entre les dirigeants et les collaborateurs pour discuter ensemble des projets à venir et de la stratégie de Google. Ces réunions permettent d’engager davantage les collaborateurs dans la progression de l’entreprise. Ils sont responsabilisés et ont la possibilité de défendre leurs idées pour le bien de l’entreprise. Sundar Pichai, l’actuel PDG utilise encore aujourd’hui cette pratique.
Si les collaborateurs sont invités à donner leur avis et à s’investir dans les prises de décisions majeures pour Google, l’entreprise leur donne également la possibilité d’exprimer leur créativité et leur passion dans des projets entreprenants. C’est dans ce cadre que Google a mis en place le fameux 20% project. 20% du temps de travail des ingénieurs peut être consacré à l’élaboration d’un nouveau projet, même si ce dernier n’a aucun rapport avec le secteur de prédilection initial de l’employé.
Très médiatisé, ces 20% libres et créatifs ne sont cependant pas utilisés par la grande majorité des Googlers. D’après Laszlo Block, seulement 10% des collaborateurs utilisent aujourd’hui ce temps alloué aux projets externes. Notre interlocuteur nous explique qu’aujourd’hui c’est davantage la possibilité de le faire que la réalisation de ce projet en elle-même qui prime. D’ailleurs, il est nécessaire d’avoir l’accord de son manager pour utiliser ces 20% de son temps pour un projet annexe.
La data règne !
Adapter l’environnement des Googlers à leurs besoins
Google utilise la data de plus de 50 000 employés afin d’améliorer constamment sa culture managériale et l’environnement de travail des salariés. La précision des décisions prises est chirurgicale ! Par exemple, notre interlocuteur nous explique que des chercheurs ont étudié en détail les comportements des employés durant le temps du midi. Suite à cette étude, l’agencement de la cafétéria a été totalement repensé pour inciter les employés à manger plus sain. Les produits sains étaient disposés dans les allées les plus accessibles alors que les bonbons ou les produits plus gras ont été relayés dans des endroits plus reculés.
Adapter les comportements pour être meilleur
Une autre étude très intéressante menée par Google et qui porte le nom de Projet Oxygen a été réalisée afin de déceler les comportements des meilleurs managers chez Google. Cette étude a permis de mettre à jour 8 comportements à avoir pour être un bon manager selon Google :
- Être un bon coach ;
- Responsabiliser et ne pas micromanager ;
- S’intéresser à ses collaborateurs proches, leur succès et leur bien-être ;
- Être productif et motivé par la performance ;
- Être bon communicant et être proche de son équipe ;
- Aider ses collaborateurs à réaliser leur plan de carrière ;
- Avoir une vision et une stratégie précise pour son équipe ;
- Posséder les compétences techniques nécessaires afin de conseiller ses collaborateurs.
Les informations récoltées sur les managers de Google ont également permis de créer un guide simple et pratique pour aider les Googler à devenir de bons managers. Ce processus inclue un guide facilitateur disponible en Opensource (consultable via ce lien : https://docs.google.com/document/d/16aDChcr2W6r683bCUeOD-4FEP3sx754_n37-bSHPFw4/edit). Il s’agit d’un manuel d’exercices pratiques et des slides de présentation des comportements et attitudes à adopter face à son équipe.
L’envers du décor
Des métiers pas si passionnants…
Au fil des années, Google s’est fortement développée, a grandi pour devenir aujourd’hui une des entreprises les plus puissantes du monde. Pour maintenir ce statut l’entreprise doit perpétuellement assurée sa croissance et son expansion. Si Google s’est donnée pour mission d’« organiser l’information du monde entier afin de la rendre universellement accessible et utile pour tous », ce n’est pourtant pas cela qui fait tourner la machine aujourd’hui.
En effet, la principale source de revenu est la publicité : AdSense et AdWords génèrent à eux deux environ 90% des revenus de la firme américaine. On peut donc imaginer que de nombreux Googlers travaillent sur des projets qui sont totalement décorrelés de la mission noble que s’est donnée le géant…
Un système hiérarchique et concurrentiel
Afin de faire face à la croissance exponentielle de l’entreprise, Google a développé un système de commandement et de contrôle plus fort. La compétition semble rendre l’atmosphère pesante au sein de l’entreprise et la pluralité des récits des anciens employés disponibles en ligne retranscrit clairement la complexité de se procurer une histoire objective et illustrative de ce qui se passe réellement dans l’entreprise. Google tend à se bureaucratiser de plus en plus et s’appuie sur un modèle de plus en plus hiérarchique et pesant pour les collaborateurs qui sont soumis à une rude compétition interne entre talents. Les ingénieurs semblent être les grands vainqueurs de cette bataille. Tandis qu’ils gravissent les échelons, le reste des employés, frustrés, n’obtient pas les mêmes chances de progression.
En plus …
Notre ressenti
Notre rencontre avec Google était un de nos principaux objectifs avant d’arriver dans la région de San Francisco. Au cours de notre entretien, nous avons décelé une certaine ambivalence dans le propos de notre interlocuteur. En effet, sous certains aspects Google apparait comme un paradis sur terre où tout est fait pour assurer le bien-être de chacun, mais sous d’autres Google semble s’enfermer dans une culture très compétitive qui met à mal la confiance présente entre les collaborateurs.
Nous avons beaucoup apprécié les nombreuses découvertes faites en termes d’outils proposés par Google à ses managers, mais déçus par le manque de détails et d’informations que pouvait nous donner notre interlocuteur. Google semble faire face à un enjeu majeur : rester agile malgré sa taille ! En tout cas, la firme internationale ne nous a pas fait rêver !
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