Interview avec Vincent Gentil, DG de Leroy Merlin Russie

Vincent Gentil, Leroy Merlin Russie : « Quand on aime les gens, c’est partout pareil ».

Nos Baroudeurs de l’Innovation Managériale, Cassandra et Matthieu, se trouvent désormais en Russie. L’occasion d’un skype avec le DG de Leroy Merlin dans ce pays, alors que celui-ci se trouve en France…

Leroy Merlin Russie est la filiale la plus dynamique du groupe avec un rythme d’ouverture d’environ 20 magasins par an, mais aussi l’une des plus complexes à gérer d’un point de vue logistique du fait de l’immensité du pays. L’enseigne compte aujourd’hui plus de 70 magasins dans toute la Russie et compte 27 000 collaborateurs. Elle est portée par l’appétence des russes pour le bricolage. En effet la majorité des russes possède une « datcha », c’est-à-dire une maison secondaire à la campagne où ils ont pour habitude d’aller le week-end. Les russes aiment faire de leur main comme nous explique Vincent, et pour ça ils ont besoin d’outils !

C’est grâce à Yann Sotty, dirigeant de Welcome Abroad, que nous obtenons le numéro de Monsieur Vincent Gentil, directeur général de Leroy Merlin en Russie. Il est alors en France pour quelques jours de vacances mais il nous propose de se contacter par Skype ou Whatsapp afin d’échanger sur ses 7 ans d’expérience managériale en Russie. Pour nous, c’est une opportunité en or que nous saisissons tout de suite ! Assis dans un café, écouteurs et téléphone branchés, nous sommes à l’écoute de cet homme aux convictions profondément humaines et qui aime à dire, après avoir sillonné le monde, que « quand on aime les gens, c’est partout pareil ».

Ce qui nous interpelle

L’humain au cœur du management

Concrètement, ça se passe comment ?

Bien connu du classement Great Place to Work, Leroy Merlin est une entreprise que nous connaissons pour son management participatif et la reconnaissance de la société pour ses employés en France, mais est-ce la même chose en Russie ? La réponse ne se fait pas attendre : quand on croit en l’humain et en ses capacités de responsabilisation et d’autonomisation, les barrières culturelles, géographiques ou encore ethniques sont abolies. Pour lui il n’y a pas un management qui s’adapte mieux à un pays ou à un autre, il faut créer la relation avec l’humain et après chaque méthode peut être mise en œuvre.

Les nouvelles méthodes de management ont été impulsées en Russie à partir de 2013. Vincent et son équipe voulaient se rapprocher au mieux des attentes de ses clients mais aussi de ses employés, et pour ça il fallait leur donner la parole. Le projet était donc top-down avec la volonté d’inscrire ensuite les collaborateurs dans sa réalisation. Très rapidement, la parole leur a été donnée afin qu’ils puissent s’exprimer sur leurs attentes concernant le management au sein de l’entreprise. Le souhait de Vincent était de connaître les attentes d’environ 1000 collaborateurs aux quatre coins du pays. Plusieurs initiatives ont ainsi vu le jour :

  • Le développement d’un e-dialogue à travers une plateforme qui permettait à chacun de voter pour un projet ou un autre, de donner des idées, de partager sur ses ressentis ou ses aspirations. Ainsi, suite à la formulation d’une demande, un téléphone muni d’une plateforme mobile a été donné à l’ensemble des collaborateurs afin qu’il puisse aller chercher l’information que leur demande leur client, mais aussi communiquer avec leurs collaborateurs et partager les meilleurs pratiques.
  • La collaboration et le travail en équipe au sein de « la Maison de la créativité » de chez Leroy Merlin. Le principe est simple : on discute tous ensemble d’un projet et on décide de ce qu’on garde et ce qu’on laisse. Ces réunions sont organisées au niveau national et local et permettent de communiquer concrètement et d’argumenter sur les différents projets mis en œuvre chez Leroy Merlin en accord avec les attentes de ses employés.

Le but de ces initiatives était d’engager les collaborateurs dans une nouvelle dynamique de l’entreprise et de faire de ce projet un projet global et commun. Vincent nous explique que tout l’enjeu est alors de créer la confiance au-delà de la simple communication et du partage. Les collaborateurs doivent y croire ! Ils doivent faire de ce projet le leur !

Des initiatives et un projet à porter au quotidien si on ne veut pas les voir s’évanouir

Vincent nous explique également que ces méthodes ne s’appliquaient pas nécessairement à tous les magasins et toutes les personnes. Il fallait donc utiliser des variations d’échelles pour répondre aux attentes des plus isolés. C’est pourquoi Leroy Merlin a mis en place des projets à échelles nationale et locale. Vincent souligne que l’enjeu de cette transformation est de l’entretenir sur le long terme. Si on entretient pas le changement, il ne se produit pas. Il faut donc impliquer chaque employé dans l’alimentation d’une transformation qui doit être impulsée par chacun selon ses besoins et attentes. Peu importe les outils mis à disposition pour les collaborateurs, tout est dans l’animation de ces outils et l’attractivité qui découle de la communication active sur le sujet.

Un exemple d’un vœu cher aux employés qui a été mis en œuvre par Leroy Merlin : aujourd’hui, tous les magasins en Russie sont équipés d’une salle de sport pour les employés et clients. Leroy Merlin a également mis en œuvre une aide au financement de l’immobilier. Le coût des intérêts est pris en charge par la société lorsqu’un salarié investit dans la pierre en Russie. Cette façon de faire raisonne comme un symbole dans l’esprit des russes : posséder sa maison est un signe de richesse et prouve un certain statut dans la société. Leroy Merlin aide donc ses employés à se sentir heureux professionnellement et épanouis personnellement.

Vincent évoque également la nécessité d’inculquer les méthodes, les façons de gérer ces transformations aux employés par le biais de la formation et de l’apprentissage. Il nous explique : « il y a un vrai chemin d’apprentissage, d’appropriation et d’intégration dans le nouveau système, tout ceci est tout de même assez complexe. Le facteur temps est le plus important car il faut que ces changements s’inscrivent dans la durée sans paraître utopiques et déconnectés de la réalité, les russes y attachent beaucoup d’importance. »

Quel changement d’un point de vue hiérarchique ?

Un partage de l’actionnariat qui va de pair avec une suppression du comité de direction

L’engagement des collaborateurs au sein de Leroy Merlin peut prendre une forme financière par le biais du partage des bénéfices. Vincent nous explique le système assez particulier du groupe ADEO concernant le partage des bénéfices.

Il y a trois niveaux de partage :

  • A l’échelle locale : tous les employés qui travaillent dans un magasin bénéficient de primes de progrès qui sont calculées en fonction des performances du magasin. Ces primes vont de 0 à 25% du salaire annuel. Encore une fois nous comprenons que la motivation des employés est accentuée par la rémunération.
  • À l’échelle nationale : Tous les employés reçoivent une partie des bénéfices de l’entreprise qui s’élève environ à 5% du salaire annuel.
  • À l’échelle du groupe : les employés peuvent aussi prendre part à l’actionnariat du groupe, le cas échéant ils doivent acheter leurs parts, mais à moindre coûts.

De ce partage découle souvent un sentiment d’appartenance plus fort et une motivation plus grande des collaborateurs qui souhaitent voir leur entreprise s’épanouir.

En Russie, ce partage des bénéfices va de pair avec une volonté de supprimer le comité de direction et de le remplacer par un groupe de 33 leaders qui viennent de différentes régions russes et qui sont chargés de remonter les attentes et les besoins de chaque magasin. La localité est mise en avant chez Leroy Merlin et le but est, comme le préconise Vincent, d’alimenter la transformation managériale. Sans un traitement de l’activité à l’échelle locale, les changements sont voués à disparaître et à faire émerger un laisser-aller général inhibiteur de toute performance. Il faut donc, plutôt que de centraliser le pouvoir autour d’un comité de direction, le donner à des personnes capables de réagir comme des intermédiaires et d’ainsi promouvoir la vision, les opinions, et les besoins localement.

Enfin, Vincent nous explique que Leroy Merlin est aujourd’hui encore en train de regarder vers de nouveaux modes de management, encore plus en accord avec ses valeurs et avec les attentes des parties prenantes : les magasins s’organiseront à l’avenir en coopératives. Transformation à suivre une nouvelle fois !

En plus

Notre ressenti

Nous finissons notre entretien avec Vincent Gentil un peu frustrés de ne pas avoir plus lui poser plus de questions, du fait du manque de temps qu’il disposait. Son propos était très profond, et nous avons vu ici la différence entre parler à un collaborateur d’une entreprise qui n’est pas l’instigateur principal du changement et une personne qui a la conviction que des transformations doivent être effectuées et qui a la responsabilité de les mettre en œuvre.

Ce qui ressort réellement de cet entretien pour nous est le point suivant : Vincent Gentil a insisté sur l’importance d’alimenter et de motiver les employés à s’intégrer dans les nouveaux modes de fonctionnement de l’entreprise. On ne peut pas décréter du jour au lendemain qu’une transformation sera faite. Il faut communiquer sur le sujet, former les collaborateurs et surtout les accompagner dans le changement à chaque moment.

Une belle rencontre avec un homme d’influence très inspirant pour clôturer nos rendez-vous en Russie, qui plus est avec une boite française, la classe !

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