Rendez-vous avec l’Urrsaf, renégociation auprès des banques, paiement des salaires retardés… tous ceux qui ont (sur-) vécu une crise de trésorerie s’en souviennent comme d’une période au mieux éprouvante, et le plus souvent traumatisante.
Jean-Marie Le Tallec, notre expert dynamique économique, vous propose une revue de pratiques simples qui vous permettront de gagner en sérénité.
Certes, ces crises sont le plus souvent la traduction de fonds propres insuffisants et/ou d’une rentabilité en berne (voir sur ce thème notre article « PME de service : 3 actions pour mobiliser vos collaborateurs sur les problématiques de marge »). Pourtant les phases de fort développement ou d’investissement important peuvent aussi être délicates, alors même que l’entreprise prospère…
#1 Financer systématiquement les actifs immobilisés
Le financement des actifs immobilisés par l’emprunt bancaire se fonde sur un principe cardinal de la finance d’entreprise : adosser les décaissements aux revenus générés par l’actif. Concrètement, il s’agit non seulement de transformer le versement unique (l’achat de l’actif) en flux périodiques (remboursement de l’emprunt), mais également de s’assurer que la durée de l’emprunt sera cohérente avec la durée de vie économique de l’actif : on évite donc de financer un immeuble sur 5 ans ou une chaise de bureau sur 15 ans…
Parce qu’il peut être garanti par un bien tangible, votre banquier sera plus enclin au financement de vos actifs qu’à vous autoriser un découvert. On peut également explorer les différentes variantes de crédit-bail (leasing), qui permet d’utiliser le bien en en payant un loyer.
A utiliser systématiquement donc, même (ou surtout) quand la trésorerie est abondante !
#2 Négocier les solutions court terme adaptées, au meilleur moment
Les solutions de trésorerie court-terme sont nombreuses mais ne sont pas toujours lisibles ni simples à mettre en place. Tour d’horizon des principales solutions de financement court terme :
• L’escompte auprès d’une banque consiste à obtenir le règlement d’un effet de commerce (lettre de change ou billet à ordre) avant son échéance, contre paiement d’intérêts calculés sur la durée de l’avance. À l’échéance de l’effet, la banque se rembourse par son encaissement. Accordé dans les limites d’un plafond d’utilisation, l’escompte est facialement moins onéreux qu’un découvert. Mais pour obtenir le financement, l’entreprise doit remettre au banquier la traite, ce qui demande d’attendre son retour, signée par le client… délai de traitement qui limite souvent grandement son intérêt.
• D’où l’avantage de l’affacturage, qui consiste à céder à un tiers (le factor) l’intégralité de vos factures, suivant des contrats signés pour 12 mois. Cette solution comprend généralement le financement, l’assurance-crédit en cas d’impayé et le recouvrement des créances par le factor. Elle est particulièrement adaptée pour gérer des besoins en fonds de roulement structurellement importants, mais est surdimensionnée lorsqu’il s’agit de faire face à un besoin ponctuel (suite à un surcroît d’activité par exemple).
• Le découvert bancaire est un crédit court terme accordé par la banque à l’entreprise qui lui permet de dépasser les disponibilités de son compte jusqu’à un montant déterminé et pendant une durée définie. Le grand avantage du découvert bancaire est d’être un crédit souple, mis en place rapidement et dont le coût est relativement peu élevé dans la mesure où les intérêts ne sont pris que pendant l’utilisation du découvert. Mais il peut aussi être très rapidement supprimé suite à l’appréciation du banquier quant aux capacités de l’entreprise à honorer son découvert. Et il sera souvent demandé au dirigeant une garantie personnelle.
• Enfin, pour faire face à une exposition grands-comptes ou au secteur public, existent des solutions spécifiques (retro-factoring, ‘Avance+’ de BPI par exemple), dont le principe est d’exploiter au maximum la solidité financière du donneur d’ordre pour financer l’entreprise.
Enfin, une règle de bon sens lorsqu’il s’agit de négocier une solution de trésorerie avec le banquier : le faire lorsque l’on en a pas besoin !
#3 Intégrer les problématiques de financement aux négociations clients/fournisseurs
Négociation avec un nouveau client… nous sommes tous habitués à décrire le contenu, des conditions tarifaires, délais de livraison ou pénalités de retard. Mais rares sont les contrats où sont abordés sérieusement les aspects financiers de la relation client/fournisseur. Alors même qu’ils représentent la majeure partie des flux de l’entreprise, et donc que leur impact sur la trésorerie est crucial.
Voici une petite liste de points à aborder et négocier de manière systématique pour ne pas mettre l’entreprise en difficulté :
Clients
• Délais de paiement au minimum des pratiques de marché
• Acomptes sur commandes dès que sont engagés des coûts avant livraison.
• Solutions de financement court-termes mises en place en place (type escompte, factoring)
Fournisseurs
• Délais de paiement au maximum dans la limite des 60 jours légaux
• Stocks déportés ou mis à disposition : de la créativité dès que c’est possible !
• RFA, remises sur volumes… ces solutions « pricing » ont un effet positif sur votre trésorerie en reportant le décaissement de la remise !
• Ne pas financer vos sous-traitants… en d’autres termes, négocier le paiement de leurs prestations que lorsque le client final vous a réglé.
… Liste évidemment non exhaustive, mais dont l’usage peut mettre à l’abri de déconvenues lorsque l’entreprise se développe et que les décalages de BFR deviennent brutaux !
#4 Rigueur dans les process internes
La trésorerie est en bout de la chaîne opérationnelle, elle est la résultante de l’ensemble des process ‘routiniers’ de l’entreprise (achats, ventes, paie,…). Un moyen simple de perdre le contrôle de sa trésorerie est de négliger certaines opérations internes indispensables au traitement normal des flux financiers.
Soigner les process « facturation » et « recouvrement »
C’est une évidence, pour que votre client règle la facture, encore faut-il qu’il l’aie reçue !
Il est souvent intéressant de calculer le nombre de jours moyen qui s’écoule entre la prestation ou la livraison d’un bien et l’émission de la facture… et de rapporter celui-ci au délai de règlement client moyen. Les surprises peuvent être au rendez-vous et mériter qu’on entre dans le détail des points de rupture !
Dans un registre différent mais encore plus ravageur, les retards de règlement clients peuvent tuer une entreprise. Il est crucial de mettre en place une routine systématique de traitement des impayés, impliquant au plus tôt – dès la 2è relance – les chargés d’affaires ou opérationnels pour une escalade rapide chez les clients.
Suivre les niveaux de stocks comme le lait sur le feu
Je ne développerai pas ici l’importance de la gestion des stocks dans la santé financière des entreprises industrielles ou de retail… il suffit de lire leur bilan pour s’en faire une idée. Des encyclopédies ont d’ailleurs été écrites sur le sujet.
Je mentionnerai juste que la rotation et l’âge des stocks sont évidemment 2 données cruciales ayant une résonance immédiate sur la trésorerie…
Tenir compte de la saisonnalité pour le paiement des primes annuelles
Contraintes budgétaires des donneurs d’ordres, Noël, Pâques, ou périodes estivales… Peu d’activités échappent à la saisonnalité. Avec une traduction souvent amplifiée sur les niveaux de trésorerie.
Dans les entreprises de service, où la rémunération du personnel représente le principal poste de charges, et où les primes annuelles ou 13è mois peuvent représenter 10 à 20% de la masse globale, il est dès lors important de négocier le paiement des primes lorsque la trésorerie est traditionnellement haute.
Et c’est valable sur d’autres décaissements ponctuels dont vous pouvez choisir ou négocier le paiement (achats d’immobilisations, déménagement, …)
En résumé, les moyens d’optimiser la trésorerie sont nombreux, et relèvent souvent du bon sens. Ils ne se substituent évidemment pas à une rentabilité saine et à l’injection de fonds propres adaptés, mais permettent de passer des paliers de développement sereinement. Alors pourquoi ces pratiques restent-elles souvent incomplètes (et pas uniquement en PME) ? Peut-être parce que c’est lorsque l’on en a pas besoin qu’elles sont le plus simple à mettre en place…
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