« Sans ratage, il n’y a pas de réussite véritable »

Quand je suis tombé sur cette citation, elle m’est apparue comme une évidence. On entend de plus en plus de discours autour des échecs, avec notamment l’apparition des failcon, ces fameuses conférences devenues à la mode…mais aussi sur le droit à l’erreur et la peur de rater qui nous contraint depuis l’école…J’entendais tout cela mais il me semblait qu’il manquait quelque chose. Et voilà que l’énigme est résolue par un Japonais !

En effet, ce n’est ni Steve Jobs, ni Elon Musk dont je parle ici mais bien de Isaku Yanaihara que vous ne connaissez sans doute pas. Ce Japonais a posé pendant des mois pour Giacometti afin qu’il réalise son portrait. Sans rentrer dans les détails de cette incroyable aventure que je vous engage vivement à lire, ce qui m’a frappé c’est cette folle aspiration qui est une parfaite illustration de la liberté qu’offre un cadre.

Voilà la citation dans son ensemble :

« Sans ratage, il n’y a pas de réussite véritable. Le rôle majeur de Giacometti dans l’art moderne tient au fait qu’il rate constamment, il ne se lasse pas d’essayer et de détruire, ses œuvres ne sont jamais achevées. Parce que l’achèvement, c’est l’arrêt de toute progression, la déformation d’une réalité infiniment riche, le renoncement à une liberté indéfiniment extensible. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne se soucie pas de finir. Les ratages ne font qu’augmenter son ardeur au travail. Au moment de se quitter, il m’a dit : ‘J’ai énormément avancé grâce à vous, si j’obtiens une seule ligne juste je vous télégraphierai aussitôt.’ J’attends son télégramme le cœur battant. »

Avec Giacometti de Isaku Yanaihara

Quel contre-pieds ! L’aspiration de Giacometti est ici tellement forte que les ratages ne sont que des étapes sur le chemin…et chaque ratage ne fait que renforcer l’aspiration en s’approchant à chaque fois de cette aspiration.

J’avais déjà vu ce tableau mais jamais je n’imaginais l’aventure qui se cachait derrière et tout le travail réalisé. La rencontre avec Isaku Yanaihara n’en est que plus passionnante…

C’est en visitant l’exposition « Portraits de Cézanne » au musée d’Orsay, que la première bribe d’inspiration autour de ce sujet m’était venu, en particulier en voyant ce cahier.

D’un coup, je me rendais compte qu’une peinture ne se fait pas en un coup de pinceau d’une inspiration géniale…mais qu’elle demande un travail immense…et que même les plus grands artistes peuvent aussi faire ce qui ressemble à des gribouillis d’enfants ! Quel soulagement !

Le hasard faisant bien les choses, je tombais également sur cette discussion avec Giacometti dans laquelle Yanaihara Isaku prononce les mots suivants : « Cézanne a peint 120 fois Vollard, et il n’a pu achever son portrait. Vous avez commencé le mien depuis moins d’un mois, comment voulez-vous en si peu de temps arriver à un résultat satisfaisant ? »

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, chez Altman, nous insistons tant sur la raison d’être et sur la « Transformation permanente‘…

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