Groupe Hervé, entreprise libérée depuis 1972

Le groupe Hervé, visité en avril, nous a impressionné par l’efficacité de son organisation et de son style de management tout en intelligence et en simplicité…« Construire un groupe dans lequel il n’y aurait pas d’exécutant, c’est à dire personne qui puisse se dire : cet ordre est idiot, cette procédure inadaptée, mais je l’applique car mon supérieur me l’a demandé ».

C’est autour de cette idée maîtresse que Michel Hervé, marqué par le comportement de « simples exécutants » lors des atrocités nazies, a souhaité lancé son entreprise en 1972.

Quelques quarante-cinq années plus tard, la recette semble avoir porté ses fruits. Avec 465M€ de chiffre d’affaires, 2800 collaborateurs (tous appelés en interne les « intra-entrepreneurs »), le Groupe Hervé s’est hissé à une place de choix sur le marché français des installations thermiques et a su diversifier ses activités avec beaucoup de succès dans d’autres secteurs tels que celui des équipements industriels, des services numériques ou encore du conseil en management. Par ailleurs, l’approche managériale originale du groupe fait depuis une quinzaine d’année l’objet de l’intérêt de chercheurs et de dirigeants d’entreprises qui souhaitent l’étudier ou s’en inspirer.

Emmanuel Hervé, qui orchestre les pôles Energie-Services et Industrie depuis 2012 nous a reçu avec Thibaud Brière, délégué à la philosophie de l’organisation, et Julie Perrier, future manager de proximité au sein du groupe, lors d’une learning expedition très ensoleillée et surtout passionnante. Pour dire les choses, nous sommes sortis très impressionnés par la cohérence et la puissance du système de management en place. Ici peu de concepts et beaucoup de solutions pratiques qui donnent l’impression d’une machine bien réglée, construite pour faciliter la liberté d’action des individus tout en assurant une cohésion permanente à tous les niveaux de l’organisation.

Voici quelques thèmes qui ont particulièrement retenu notre attention :

Une entreprise pour les entrepreneurs

Les collaborateurs du groupe Hervé s’appellent entre eux les « intra-entrepreneurs ». Ils sont recrutés pour leur capacité à être à la fois autonomes, responsables et coopératifs. Il sont libres de prendre toutes sortes d’initiatives, de choisir d’évoluer ou pas dans l’organisation, de prendre leurs congés quand ils jugent que c’est le moment opportun où encore de proposer une augmentation de leur rémunération quand bon leur semble. Tout a été fait chez Groupe Hervé pour responsabiliser les gens et leur laisser toute la latitude dont ils ont besoin pour faire réussir le groupe au plus près du terrain et des clients. L’idée est que travailler chez Groupe Hervé soit – grâce à la puissance du collectif – une alternative attractive pour ceux qui pourraient envisager de lancer leur propre activité dans le bâtiment.

Des cellules autonomes de 15 personnes

Le groupe Hervé est composé de manière organique sous forme de 190 cellules de 10 à 20 personnes (15 en moyenne). A cette taille d’équipe, les gens se connaissent bien et peuvent se dire les choses, la parole circule. Le manager de la cellule, appelé manager de proximité ou d’activité, joue un rôle d’orchestrateur et de catalyseur d’une prise de décision collective. L’équipe définit les objectifs et la stratégie, décide de l’entrée et de la sortie de salariés, gère son activité commerciale et peut monter des partenariats avec d’autres cellules du groupe ou des partenaires extérieurs.

Une organisation à trois niveaux

L’organisation fonctionne selon le principe des poupées russes avec l’idée que chacun travaille directement avec un nombre limité de personnes. Il y a trois niveaux emboités les uns dans les autres :

  • L’activité : comme expliqué dans le paragraphe précédent, une quinzaine de salariés forment une « activité » (la cellule de base). Le personnel de chaque cellule se retrouve en réunion de management une fois par mois sous l’égide du manager d’activité.
  • Le territoire: une quinzaine de cellules forme un « territoire ». Les quinze managers d’activité se retrouvent en réunion de management une fois par mois sous l’égide d’un manager de territoire.
  • Le pôle :  une quinzaine de territoires forment un « pôle ». Les quinze managers de territoire se retrouvent en réunion de management une fois par mois sous l’égide du manager de pôle (par exemple le pôle « Energie Services »).
Une prise de décision collective

Dans les réunions mensuelles de management, les décisions se prennent de manière concertative. Le débat et le désaccord sont bienvenus, ce sont eux qui permettent de progresser collectivement. Pour que ça fonctionne il faut un bon niveau de savoir-être, aspect sur lequel le groupe est très attentif au moment du recrutement. Aucune décision qui concerne l’équipe ne se prend en dehors de la réunion de management. Ainsi, chacun peut participer aux décisions qui le concernent directement ou concernent sa cellule, région ou pôle.

Une stratégie qui part d’en bas

Aucun budget, aucun objectif ne sont décidés par la direction du groupe. La stratégie du métier ou du territoire ne sont que l’agrégation et l’harmonisation de ce qui a été décidé par les équipes de production qui les composent. Les contraintes économiques sont connues de tous et la transparence sur les chiffres est totale. Chacun sait qu’il ne faut pas perdre d’argent et dégager des bénéfices pour assurer l’avenir du groupe. C’est en cela que « l’harmonisation » qui est réalisée au niveau du territoire et du métier prend tout son sens. Par exemple, le comité de territoire peut accepter qu’une de ses cellules perde de l’argent parce qu’elle est en phase d’investissement à partir du moment où l’ensemble des managers sont à l’aise avec cela et acceptent que le territoire porte cet investissement en s’appuyant sur les résultats de ses autres cellules. D’une manière plus générale, chaque cellule dispose d’une grande autonomie de décision.

Pas de DRH, pas de directeur financier

Les services supports du groupe (40 personnes seulement pour 2800 salariés) n’ont été constitués que pour fournir des expertises qu’il serait non efficient de chercher à introduire dans chaque cellule : la comptabilité, le service juridique, la paye, l’expertise RH pointue… En plus des économies qui en découlent, cette approche joue un rôle clé dans la responsabilisation des acteurs de terrain qui doivent trouver par eux-mêmes les solutions à leurs problèmes sans avoir l’opportunité de renvoyer la balle au siège.

Des managers cooptés

On devient manager si on l’a demandé. Le demandeur fait l’objet d’une triple cooptation : par les membres de son équipe actuelle, ses futurs pairs et, enfin, son futur manager N+1. C’est ce dernier qui prend la décision finale. Il y a beaucoup d’évolution interne dans le groupe, mais pas de plan carrière. Tout le monde peut demander son évolution (géographique ou vers des postes de management). 3/4 des demandes sont satisfaites et lorsque ce n’est pas le cas, l’entreprise prend le temps d’expliquer au demandeur les raisons du rejet de sa demande.

Une liberté d’action au service des clients

Le Groupe Hervé estime être plus compétitif grâce à la relation de qualité qu’il est capable d’instaurer avec ses clients. Chez Groupe Hervé : « On dit les choses, on dit ce qu’on a loupé, on crée une relation de confiance et de partenariat avec le client ». Sur le chantier, ce n’est pas le manager qui prend la décision, c’est le responsable de chantier qui est le décideur et peut réagir. Le client n’a pas différents interlocuteurs.

Comme le dit Emmanuel Hervé : « nous sommes nés libérés… il y a 45 ans ! ». L’organisation bâtie par son père, Michel, semble démontrer admirablement que si l’on croit en l’Homme, si l’on a confiance en son talent, il est possible de créer des systèmes qui favorisent son épanouissement et sa contribution à un projet collectif qui le dépasse.  Il nous a suffi d’observer l’enthousiasme et l’engagement de Julie pour avoir un aperçu de ce que cela veut dire pour les salariés. Bravo !

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