CirclePlus

Cassandre et Matthieu, les baroudeurs de l’innovation sont allés à la rencontre de CirclePlus, une entreprise de conseil en management de 10 personnes créée par Fiona Xue, elle-même coach certifiée en holacracy. Il s’agit d’un des premiers cabinets de conseil chinois qui permet aux entreprises de s’orienter vers des organisations opales, de self-management, holacratiques… Fiona et son équipe ont également développé des mécanismes de gouvernance et de prise de décision qui permettent de partager le pouvoir et les responsabilités au sein des entreprises. CirclePlus travaille entre autres avec Alibaba, Volkswagen et Baidu…

Nous sommes très heureux d’aller à la rencontre de Fiona dans les locaux de CirclePlus. Nous l’avions aperçue lors de la conférence Human 4.0 à laquelle elle nous avait conviés quelques jours plus tôt, mais n’avions alors pas eu l’occasion d’échanger avec elle. Fiona anime le plus grand réseau d’innovation managériale en Chine : des traducteurs du livre Reinventing Organizations aux directeurs des ressources humaines de start-ups innovantes, tous connaissent Fiona et nous ont recommandé de la rencontrer.  Nous sommes donc allés la voir pour connaître son opinion sur le développement de l’innovation managériale en Chine, ses méthodes pour conseiller les entreprises et sa vision du management de demain. Cette rencontre fut extrêmement enrichissante car Fiona pose aujourd’hui un regard très pragmatique, bien qu’humain, sur les pratiques de management au sein des entreprises chinoises mais aussi des grands groupes internationaux venus s’implanter en Chine.

Ce qui nous interpelle

Quelle place pour l’innovation managériale en Chine ?

Rejeter les méthodes hiérarchiques castratrices pour encourager l’intelligence collective  

La Chine semble être assez portée sur des méthodes managériales hiérarchiques et peu ouvertes à la responsabilisation des employés. Qu’est ce qui a mené Fiona à vouloir changer le cours des choses ?

Le déclic de Fiona a eu lieu lors d’une discussion avec un de ses amis au sujet de son travail et de son avenir professionnel. Ce dernier relevait alors que 30 niveaux hiérarchiques la séparaient de son CEO. À raison d’une promotion tous les deux ans, il lui faudrait donc 60 ans d’expérience dans l’entreprise pour espérer un jour faire partie de l’entourage du CEO. Malheureusement il s’agit d’une réalité largement répandue au sein des entreprises chinoises, réalité que nombres de jeunes actifs, dont Fiona, refusent.

Fiona souligne également qu’avec l’apogée du système VUCA, en moyenne en Chine, chaque employé change trois fois de job dans sa vie. Dès lors, impossible pour eux d’acquérir des responsabilités à la hauteur de leurs ambitions. L’acronyme VUCA signifie Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity, utilisé par l’US Army War College afin de décrire le monde complexe, volatil, incertain et multilatéral dans lequel nous avons plongé à la fin de la guerre froide.

En outre, Fiona a longtemps évolué au sein des ressources humaines et a vite été lassée des considérations politiques et des non-dits qui faisaient son quotidien. La passion qui l’animait se tarissait au sein des entreprises qu’elles côtoyaient et ses interlocuteurs manquaient clairement d’authenticité.

C’est en raison de tous ces facteurs et par conviction personnelle que Fiona a décidé de se lancer dans le conseil afin de donner un nouvel élan au management chinois et de changer les procédés et normes castrateurs actuellement développés au sein des entreprises.

Encourager et promouvoir le changement – Comment ? 

Dans un tel environnement, nous sommes curieux de savoir comment Fiona a fait pour évoluer et transmettre ses idées au sein des entreprises en transformation. Après nos nombreux entretiens en Europe, nous savons maintenant que les méthodes mises en place par les cabinets de conseil ne sont pas toujours fructueuses, mais CirclePlus se distingue aujourd’hui dans sa façon de voir les choses.

Fiona nous explique donc que sa méthode est composée de trois étapes majeures précédant toute implication dans la transformation de l’entreprise :

  • Le Why : Pourquoi l’entreprise éprouve le besoin de changer ? Connaître les raisons du changement est primordial. Ces raisons ne peuvent être exclusivement financières, il faut que le top-management ait la conviction profonde que le changement de paradigme managérial va permettre de développer le potentiel de chaque collaborateur et ainsi celui de l’entreprise.

Fiona nous explique que durant cette étape, le rôle du CEO est crucial. Actuellement les changements sont majoritairement top down en Chine ; il faut donc s’assurer que non seulement le CEO, mais aussi tout le top management, soient persuadés que le changement est la meilleure façon de solutionner leurs problèmes et d’appréhender sereinement le futur.

  • Le How : Fiona insiste également dans la phase préliminaire sur l’effort que devra fournir l’entreprise pour arriver à ses fins et à parachever une transformation stable et pérenne. 95% des responsabilités et des efforts à faire devront être réalisés par les collaborateurs de l’entreprise et non les consultants.

L’effort se fait dans la durée et il faut impérativement faire évoluer l’échelle des personnes impliquées dans l’entreprise.

Fiona fait d’ailleurs allusion au tourisme pour décrire son propos : lorsque qu’un groupe de 50 chinois arrive à Paris, les mentalités ne changent pas, ils restent entre eux et ne comprennent pas le besoin de s’habituer à la culture du pays alors que deux français partis découvrir la Chine se rendent compte de l’importance de s’adapter aux pratiques et traditions du pays. C’est exactement la même chose en entreprise, il faut commencer à grande échelle en impliquant plusieurs petits groupes de personnes dans le changement pour ensuite réussir à impliquer le groupe entier et arriver à une vision holistique de l’entreprise.

  • Le Full engagement : Fiona demande systématiquement lors de ses nouvelles missions aux dirigeants et aux employés : What is your promise ? une façon simple mais très signifiante d’engager tout le monde dans le processus de transformation.

Elle prend notamment l’exemple de YinXiang, un groupe chinois spécialisé dans le textile : pour montrer à ses collaborateurs que la transformation de l’entreprise était plus que de simples mots dénués de sens, le patron de l’entreprise a détruit le mur séparant son bureau du couloir symboliquement. Il leur permettait ainsi de venir le voir et de lui suggérer certaines modifications.

Il faut penser, prévoir et agir. L’employé ne se sent inclus que lorsqu’il participe à de véritables missions, déterminées conjointement avec ses collaborateurs pour accomplir sereinement le changement. La transformation a lieu dans les actes et en toute transparence. L’un des premiers changements mis en place par les entreprises qu’accompagne Fiona est l’implémentation d’une plateforme collaborative qui permet à tous les employés d’échanger et de construire la nouvelle transformation managériale de leur entreprise ensemble.

From management to governance – Tout réside dans la dynamique du groupe

C’est sans aucun doute une des phrases que nous a le plus répété Fiona. En cela, elle souligne que le but d’une entreprise en transformation est d’instaurer un flow, une dynamique qui permet à chacun de porter le changement. Le management est alors quelque chose de désuet puisqu’il va s’atteler à modifier les comportements traditionnels des collaborateurs alors que la gouvernance implique le collaborateur dans la transformation. La gouvernance est fondée sur le learning by doing alors que le management est fondé sur l’exemplification. La gouvernance est globale mais elle entraine chaque individu dans une même dynamique, vers un but commun qui anime et porte tout l’équipe.

Mais comment créer cette dynamique ?

Nous évoquons ensemble les différents modèles aujourd’hui préconisés par les cabinets de conseil : le self-management, l’holocracy, l’organisation opale, la sociocracy… La liste peut sembler longue et l’abondance de choix peut en perdre plus d’un.

Pour Fiona, chaque entreprise possède ses propres spécificités et il est donc impossible de proposer une solution commune à toutes. En revanche certains modèles peuvent servir de dénominateur commun tout en étant modulables à souhait. Il faut bien comprendre que la transformation s’inscrit dans l’évolution des mentalités, des marchés, des opportunités, des points forts et points faibles… Il faut donc savoir en permanence remanier sa structure et appréhender les nombreux changements perpétuels qui composent le quotidien. Il est également primordial que la transformation soit personnalisée et corresponde à la culture d’entreprise.

Valoriser les personnalités – Faire des particularités de chacun une force pour tous

Fiona se différencie de Frédéric Laloux dans sa philosophie puisqu’elle promeut la prise en compte des aspirations de l’individu avant celle des aspirations de l’entreprise. L’entreprise est, pour elle, un groupe d’individus qui s’associent et qui forment l’entreprise. L’entreprise n’est pas un organisme vivant à part entière qui se meut selon son environnement et sa raison d’être, mais un ensemble de personnes qui met à profit ses compétences et son dynamisme pour atteindre la mission qu’elles se sont données ensemble pour l’entreprise.

CirclePlus a ainsi créé une plateforme, nommé /me, qui permet aux organisations, principalement celles holacratiques, de s’organiser et d’assurer la communication entre chaque collaborateur. Cette plateforme peut cependant être utilisée par toutes les entreprises qui ont procédé à une transformation managériale. Y sont recensés les rôles des collaborateurs, leurs contacts…

Le nom de cette plateforme n’est absolument pas hasardeux puisqu’il rejoint la philosophie de Fiona : aujourd’hui nous ne sommes plus attitrés par un poste mais par une pluralité de rôle dans la vie ; ainsi le secteur professionnel doit faire une force des aspirations et différentes compétences de ses collaborateurs. Aujourd’hui, comme le dit Fiona, on peut être directeur des ressources humaines/ peintre/ foodaddict/ acteur et c’est pourquoi le « / » ne doit plus être considéré comme une barrière mais bien comme une opportunité de développement de compétences et de développement personnel qui sont constructifs pour l’entreprise.

En plus

Notre ressenti

Notre rencontre avec Fiona fut un véritable tremplin dans notre quête chinoise. Non seulement elle nous a permis de comprendre le modèle managériale chinois actuel, mais elle nous a aussi ouvert les portes de beaucoup d’entreprises, ainsi que les yeux sur de nombreuses théories, méthodes, pratiques que nous ne connaissions pas encore. Parmi elle, la théorie intégrale dont nous vous parlons plus bas.

Enfin, l’authenticité et les convictions de Fiona nous ont redonné le moral après un séjour difficile en Corée du Sud.

Human 4.0 : une conférence sur la théorie intégrale

Après quelques échanges de message sur WeChat avec Fiona avant notre arrivée en Chine, Fiona nous invite à participer à une conférence sur la théorie intégrale de Ken Wilber et ses applications en entreprise. Cette théorie a notamment été utilisée pour prévoir et organiser des interventions des Nations Unies. Les intervenants, Dustin DiPerna et Joey Chan, sont reconnus pour leur connaissance approfondie de la théorie et sa mise en pratique quotidienne.

Certains que la conférence se ferait en anglais, nous nous installons sereins, stylo en main. Nous déchantons rapidement lorsque le premier speaker, Joey Chan, coach au sein de The Leadership Circle qui pratique l’Holacracy ainsi que la théorie U d’Otto Scharmer et est consultant de la TOCICO (Theory of Constraints International Certification Organization), commence son intervention en chinois. Une jeune femme vient rapidement à notre secours et nous traduit du mieux qu’elle peut son discours, mais indéniablement, nous manquons beaucoup d’informations.

La seconde partie de la conférence donne la parole à Dustin DiPerna, professeur à Stanford et chercheur qui a longtemps travaillé avec Ken Wilber. Cette seconde partie de la conférence est en anglais et nous permet de comprendre bien mieux les bases de la théorie intégrale et nous plonge dans une ouverture spirituelle. Voici ce que nous en avons retenu : la théorie intégrale incorpore et organise tous les apports essentiels de toutes les disciplines majeures de la connaissance humaine. Elle est à l’origine de la « pratique de vie intégrale » qui permet de découvrir et développer son intelligence, ses émotions, sa conscience cognitive, ses relations… Cette théorie se base sur le modèle AQAL. Ce modèle fait deux distinctions majeures : l’individuel vs le collectif et l’intérieur vs l’extérieur. Cela a permis de créer la matrice suivante :

Ces quatre quadrants représentent plusieurs caractéristiques : celle de l’intention (individuel et subjectif), celle neurologique (individuel et objectif), celle culturelle (collectif et subjectif) et celle sociale ou socio-économique (collectif et objectif). Selon ce modèle, n’importe quelle action ou évènement de notre vie manifeste simultanément ces quatre quadrants. Un événement qui serait rattaché à un des quadrants est forcément corrélé aux trois autres.

Ces quatre perspectives sont en fait quatre dimensions majeures de notre vie sur Terre et permettent d’appréhender et de comprendre chacune de nos actions. Elles ont donc un rôle important à jouer dans les organisations humaines et donc les entreprises. Nous n’avons malheureusement pas pu discuter avec Joey de la mise en pratique possible de cette théorie en entreprise mais l’avons contacté afin de prévoir un call ensemble ! D’ici là, nous partageons d’ores et déjà avec vous la map utilisée au sein des organisations et des entreprises.

Vous souhaitez engager votre entreprise dans l’innovation managériale ? Discutons-en…

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