Springest: Immersion dans l’Holacracy

Altman Partners a décidé de reconduire son soutien au  projet des Baroudeurs de l’Innovation Managériale, une aventure autour du monde de deux étudiants, à la découverte des pratiques d’organisation innovantes. Une source d’inspiration pour vos projets.
Découvrez ci-dessous leur rencontre avec l’entreprise hollandaise Springest. Par Cassandre Verriest et Matthieu Vandermersch.

Springest est une plateforme comparative de cours, formations, workshops, conférences et autres modules liés à l’apprentissage. Les visiteurs du site y ont la possibilité de rechercher, filtrer et comparer les différents programmes proposés par les instituts de formation en vue de trouver celui qui leur correspond le mieux. L’entreprise se compose d’environ 50 collaborateurs et fut fondée en 2008. Leur but est simple : devenir le « Amazon.com » du learning. Ses principaux clients sont AEGON, Vattenfall, ING Direct ou encore SIEMENS.

Envie de savoir plus ? https://fr.springest.be/

 

Au travers de nos lectures sur l’innovation managériale et sur les différentes mises en œuvre de cette dernière, nous nous sommes arrêtés sur l’holacratie et nous sommes questionnés sur cette méthode et ses codes très précis. C’est chez Springest, entreprise de formation et de learning pour les entreprises, que nous jetons notre dévolu, avides de connaître en quoi consiste l‘Holacracy Safari qu’ils organisent d’habitude pour des particuliers ou entreprises voulant découvrir leur façon de faire. En effet cette entreprise s’est tournée vers l’holacratie dès 2012 afin de continuer à grandir sereinement tout en simplifiant la structure et en s’émancipant d’une contraignante bureaucratie.Nous avons pu discuter avec plusieurs collaborateurs de chez Springest et assister à une réunion mensuelle avec 10 personnes dont une personne en Allemagne présente grâce à une vidéo conférence.

Un point sur la méthode holocratique

L’organisation: organisée en cercle pour rester agile

Chez Springest, la méthode holacratique a permis à l’entreprise de se développer en allant au-delà des barrières bureaucratiques. En effet, l’holacracy offre une structure transparente, dynamique qui permet à l’entreprise de rester agile. Cette structure est également horizontale et s’organise autour de cercles dans lesquelles les responsabilités s’accordent aux rôles que chacun prend. Chacun se responsabilise en fonction de ses appétences puisque aucun rôle n’est donné ; un rôle se prend. L’addition de rôles qui se rapportent à un projet forme un cercle. Ces cercles se forment autour d’un objectif commun et rassemblent différentes compétences. Cependant, des thématiques majeures rassemblent les cercles de projets en un cercle plus important encore. On retrouve ainsi le cercle Marketing au sein duquel on a les cercles Marketing process, Social Media Creator…

Chaque cercle se construit autour d’une équipe animée par un objectif et des missions claires. Une politique d’organisation et des responsabilités en découlent. Chaque collaborateur choisit ainsi un rôle, prend les responsabilités qui en découlent et est responsable de ses projets. Notre interlocutrice, Josje nous explique que c’est un de avantages majeurs de la méthode holacratique. Les rôles permettent d’avoir des responsabilités qu’importe l’ancienneté ou le niveau d’études de chacun et donne du sens au travail accompli.

Enfin, les rôles ne sont pas fixes. Les collaborateurs ont le choix d’en changer s’ils ne se sentent pas à l’aise. Il est également important de noter qu’ils n’ont pas qu’un seul rôle mais plusieurs qui requièrent souvent des compétences différentes avec plus ou moins de responsabilités. La clé de la réussite de ses rôles réside dans la description très détaillée du rôle. Une fiche recense ainsi le but, le domaine d’activités et les responsabilités propres à chaque rôle pour permettre aux collaborateurs de faire les bons choix.

Ainsi, pas de mauvaises surprises !

Plongée dans les tactical meetings mensuels : comment s’organise un tactical meeting?

Nous avons eu le chance d’effectuer un Holacracy Safari : une immersion totale dans un meeting d’un des cercles de chez Springest. Pour nous, ce fut une façon très intéressante de découvrir à travers les actes ce qu’est vraiment l’holacracy.

Les meetings de cercle sont extrêmement codés et structurés. Il y a une démarche à suivre et le facilitateur se charge de l’appliquer durant toute la durée du meeting tandis que la Secretary s’occupait de rédiger chaque point énoncé tout en faisant défiler les informations sur l’écran. La réunion se fait debout afin d’entretenir le dynamisme de chacun.

Mais rentrons maintenant dans le vif du sujet…

Nous commençons par assister au check-in : c’est une phase introductive de la réunion qui permet à chacun d’exprimer ses émotions du jour, de parler d’un ressenti à propos de la météo, de ses hobbies, de son week-end… Le but est de permettre à chacun de cerner l’état d’esprit du jour de ses collaborateurs et d’énoncer les tensions qui l’animent lorsque vient son tour. Une fois ce moment passé, il ne sera plus question de parler de ses tensions ou de ses émotions si elles ne concernent pas le travail. Il y a un temps pour tout ! Le check-in se clos par un cri de guerre de tous les participants afin de témoigner leur motivation. C’est tout du moins ce que nous en avons compris !

S’enchaînent ensuite plusieurs phases avec pour commencer un point sur la situation de l’entreprise sur le mois : les revenus, le bonheur au travail, la productivité ; puis sur chaque cercle : finance, marketing… La personne concernée se prononce sur le sujet puis on passe à la phase suivante qui est celle de l’analyse des matrices de la semaine. Ces premières étapes nous ont semblé très longues car le dialogue est très peu présent et on assiste davantage à de courts monologues ponctués de quelques questions. On parle ensuite des Objectif Key Results, ce sont des objectifs ambitieux fixés à long terme et pour lesquels des tactiques sont recherchées.

Ces objectifs donnent ensuite lieu à une discussion sur les projets en cours. Le dialogue se met enfin en place : chaque collaborateur peut évoquer ses problèmes, ses besoins et demander aux autres de l’aide dans la réalisation de sa tâche. Les nouvelles tâches sont assignées de suite. Ensuite les membres de la réunion co-construisent l’agenda de la semaine. Là encore, un tour de table est effectué où chacun prend la parole et fait part de ses attentes au sujet de projets qui lui semblent nécessiter de l’aide ou au contraire qui engagent trop de collaborateurs et font perdre l’entreprise en efficacité. Du fait de la grande mobilité des rôles et des réactions de la part de chacun, chaque rôle peut être modifié et orienté vers les attentes de la personne responsable. Les tensions concernant les rôles sont donc prises en compte ici.

La fin du meeting est dédiée au check-out : chacun prend la parole, encore une fois distribuée par le facilitateur, et exprime son ressenti sur la réunion, autant sur le fond que sur la forme. Pour le CEO, cette réunion n’était pas du tout à la hauteur trop longue, trop de chiffres, trop de sujets moyennement abordés et sans solutions et nous sommes tout à fait d’accord avec lui !

Des rôles importants au sein des meetings

Vous l’avez compris, certains rôles donnent lieu à plus de responsabilités que d’autres. Il existe quatre rôles majeurs dans chaque cercle .

1) Le facilitateur : C’est lui qui « préside » la réunion et oriente chacun des débats pendant les meetings. C’est aussi lui qui intervient lors de tensions au sein du cercle afin d’essayer de trouver des solutions conjointement avec la personne concernée quand celle-ci est bloquée.

2) Le Leadling : C’est lui qui gère la répartition des rôles au sein du cercle, mais aussi les Objective Key Results du cercle afin de gagner en productivité et performance.

3) Le Rappling : C’est le représentant de son cercle auprès des autres lors des réunions.

4) Le Secretary : C’est lui qui est en charge de l’administratif et de la communication des changements interne à son cercle auprès des autres collaborateurs, il est le garant de la transparence de l’entreprise.

Chez Springest, ces postes changent de responsable tous les quatre mois. Cela donne lieu a des élections faites par vote suite à une prise de parole de chacun pour exposer ses motivations pour le poste.

Notre ressenti

Ce que nous avons aimé:  les points fort de la méthode

1. La distribution de l’autorité et de la prise de décision

Dans les organisations traditionnelles, la prise de décision et l’autorité sont en haut de l’échelle. L’ holacratie permet de distribuer les responsabilités à toute l’organisation. La prise de décision se trouve dans les rôles, et non dans les personnes. La personne en charge du rôle est décisionnaire sur les sujets concernant son rôle : cela permet de réduire toute la bureaucratie et l’accumulation de validation des supérieurs, toujours en accord avec le slogan principal Getting things done.

2. Focus sur les solutions et les expériences

Le système est fondé sur la recherche rapide de solutions aux problèmes existants. La personne qui s’occupe du problème se doit de proposer une solution ensuite. Une fois la solution proposée, les autres participants à la réunion peuvent suggérer des changements qui, peuvent ou non, être adoptés par la personne responsable, proposer leur aide… Cette façon de faire permet d’avancer vite, et de revenir sur ces décisions si besoin est. L’adaptation chez Springest va jusqu’à rendre possible la dissolution d’un cercle pour en créer un autre, avec des changements de rôle…

3. Clarification des responsabilités

Dans beaucoup d’exemples, quand les problèmes arrivent, les collaborateurs ont tendance à pointer du doigt les autres. Dans le système holacratique, chaque rôle est décrit en détail dans une fiche donc chaque personne sait parfaitement les attentes propres à son rôle, et les responsabilités de chacun sont consultables par toute personne de l’entreprise.

Ce que l’on a moins aimé: les points de progression de la méthode

1. Trop de structure tue le dialogue

D’après les participants, nous avions de la chance d’avoir un très bon facilitateur qui nous a même inséré dans les moments de prise de parole. Mais même avec ce facilitateur qui distribue la parole entre toutes les personnes, nous nous sentions noyés sous les masses de chiffres affichées qui ne menaient à aucune réflexion commune. Personne n’a le droit de prendre la parole quand ce n’est pas son tour : un post-it est donné à chaque participant au départ afin qu’il note ses questions qu’il posera à la fin. Mais est-ce suffisant?

2. Un tactical axé essentiellement sur le travail

Si les tensions de chacun sont extériorisées, il n’y a pas de place pour l’expansion ensuite. Une fois dites, elles doivent être mises de côté lorsqu’il s’agit de tensions émotionnelles ou d’ordre personnel. On s’adresse de rôle à rôle et non de personne à personne. Les émotions sont donc refoulées et les problèmes personnels ne trouvent pas de solutions. De même, Josje évoquait la nécessité « d’ajouter à l’entreprise sa personnalité ». Il n’y a pas de moments propices aux échanges autres que professionnel dans le modèle holacratique. Bien-sûr, les collaborateurs de Springest créent des moments pour favoriser le team building, heureusement d’ailleurs…

EN PLUS:

Le recrutement chez Springest

Il n’y a pas de « premier entretien » chez Springest afin d’élaguer le nombre de prétendants à un poste. Cette première phase du recrutement est effectuée par téléphone ou skype, toujours pour des raisons d’efficacité et d’économie de temps. Une fois cette phase passée, et les candidats sélectionnés, ils viennent au siège réaliser leur trial : pendant une journée, il travaille comme un véritable salarié de l’entreprise et sont jugés par d’autres collaborateurs de différents rôles et cercles de chez Springest. À la fin de la journée, c’est le responsable du Happiness Role qui fait un feedback au candidat sur sa journée . c’est lui qui décide si le candidat est en accord avec les valeurs de Springest et serait prêt à s’adapter au système holacratique mis en œuvre. C’est enfin la personne la plus proche du candidat en termes de compétences et donc de rôle attribué qui prend la décision finale de l’embaucher ou non.

Zoom sur un outil très utile: ASANA

ASANA est un outil utilisé par Airbnb, Deloitte, GE, Redbull ou la NASA par exemple. C’est un outil de gestion de projet qui permet aux équipes de savoir ce que chacun doit faire et pour quand. Un tableau complet des projets est proposé à tous les collaborateurs. Une chronologie est également mise à disposition pour créer un plan qui permet de visualiser l’intégration de tous les éléments d’un projet, et de garder le cap quand des modifications lui sont apportés. Tout peut être regroupé sur ASANA : Google Drive, Gmail, Google Calendar, Dropbox, Slack, plus de 100 intégrations sont possibles.

Chez Springest on applique les conseils de David Allen dans Getting things done : le cerveau n’est pas fait pour retenir l’information mais pour réfléchir et penser. Pour tout travail inférieur à 2 minutes, il préconise de le faire immédiatement, et pour tout travail supérieur à cette durée, l’outil ASANA permet de stocker la tâche et de la dédier à la personne compétente. ASANA est notamment utilisé pendant les tactical meetings.

Vous souhaitez engager votre entreprise dans l’innovation managériale ? Discutons-en…

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