Réussir sa démarche budgétaire dans un environnement managérial collaboratif

Nombre de dirigeants de PME considèrent le processus budgétaire à la fois inutile et compliqué à mettre en œuvre. Et si l’on se place dans un environnement managérial « collaboratif », les avis sont souvent encore plus tranchés : cette démarche serait un carcan enfermant les énergies, néfaste notamment pour la prise d’initiative.
Pourtant, lorsqu’on sait en adapter les objectifs et méthodes, elle peut devenir un formidable levier pour l’engagement et l’appropriation de l’entreprise par les salariés, et un indispensable outil du développement. Je vous propose une revue forcément personnelle et partielle sur le sujet…

#1 – Budgéter c’est se projeter

Les clichés et a priori circulent autour de ce concept finalement nébuleux… petit florilège – loin d’être exhaustif :
• « Dans un environnement incertain par nature, le budget c’est 1 mois à se gratter la tête pour écrire des chiffres qui n’ont aucun sens, puis 12 mois pour courir après ! »
• « Le budget c’est l’outil qu’utilisent les actionnaires pour contrôler leurs managers : dans une PME ça n’a aucun sens… »
• « Le budget c’est exiger des objectifs irréalistes et s’en servir ensuite pour taper sur ses collaborateurs ! »
• « Le contrôle budgétaire c’est le flicage des collaborateurs ! Chez nous on est responsable et autonome, et on s’en passe très bien… »
• « Notre entreprise a besoin de flexibilité, d’adaptation aux besoins des clients… la démarche budgétaire ancre la rigidité. »
• « Le budget, ma banque me le demande, l’expert-comptable le prépare et on se dépêche de l’oublier… »
Toutes ces critiques – et bien d’autres encore ! – sont fondées : après tout, cette démarche n’a-t-elle pas été un vecteur essentiel de la financiarisation de l’économie dans les décennies passées ?
Elles traduisent à mon avis l’instrumentalisation d’une démarche intrinsèquement simple et saine. Puisqu’au fond, un processus budgétaire c’est simplement utiliser l’information disponible pour se projeter dans un futur prévisible… L’entreprise étant une entité économique par nature, cette projection se traduit en chiffres, dans des détails plus ou moins élaborés.

#2 – Mais pourquoi se projeter ?

Et donc, pourquoi l’entreprise aurait-elle besoin d’élaborer des projections ?
Piloter, contrôler, légitimer, reproduire, « motiver » … autant d’objets implicites dans les critiques mentionnées en partie #1, et qui traduisent bien souvent un contexte managérial. Alors : peut-on créer ou renforcer un environnement collaboratif à partir d’une démarche budgétaire adaptée ?

Rendre concret le projet collectif

Un environnement managérial collaboratif s’appuie sur le partage d’une « vision », exprimant de façon plus ou moins extensive le projet collectif. Reste à faire vivre ce projet, à lui donner du concret. Une démarche budgétaire collaborative est particulièrement adaptée à cet objet :
Travailler sur les axes stratégiques et leur mise en œuvre pour vérifier comment ils s’intègrent dans la vision et les valeurs de l’entreprise
Les traduire en données chiffrées pour en valider la solidité économique et la pérennité
Bref, elle participe à faire du « rêve » (le projet collectif) une « réalité » (sa mise en œuvre opérationnelle).

Se développer en confiance

Dans un contexte de développement, la démarche budgétaire est l’occasion de déterminer des scénarios et de valider leur pertinence économique. Avec comme bénéfice immédiat de baliser des options envisageables ou prévisibles, et donc d’insuffler de la confiance dans le « système ». Encore faut-il bien sûr que ces options soient le résultat d’une démarche collaborative, et non le seul produit de la direction générale ou financière !
Se donner des références pour prendre le pouls de l’entreprise au long de l’année
Une clé de l’appropriation par les collaborateurs du projet d’entreprise est de partager l’information économique, de garantir la transparence par rapport à la santé de l’entreprise. Mais pour que chacun puisse apprécier la qualité des données communiquées (« le niveau des ventes sur l’activité A est-il satisfaisant ? »), encore faut-il proposer une échelle de valeur (« oui car il est conforme au scénario « haut » de notre budget ! »).
Même s’il n’est pas la seule référence envisageable (année précédente, point mort, croissance…), le budget – décliné en scénarios – reste souvent l’échelle de valeur la plus simple à proposer lorsqu’on communique des données économiques, surtout dans un contexte de croissance.

#3 – Une mise en œuvre pourtant périlleuse…

La démarche budgétaire est un outil important pour faire vivre un environnement managérial collaboratif, mais les points d’attention ne manquent pas dans la mise en œuvre puis l’exploitation de qui en sera faite.

Une construction collective, centrée sur le projet plus que sur les chiffres

Puisqu’il s’agit de rendre concret le projet collectif, le point clé de la démarche budgétaire est bien la discussion collective autour de ce projet – les chiffres ne sont là que pour en valider la pertinence économique. Quelques points d’attention dans le déroulé de ces discussions :
Proposer une démarche impliquant toute l’entreprise. Naturellement, pour que le budget reflète le projet collectif, il ne peut s’agir d’une simple émanation du dirigeant, de la direction financière ou de l’expert-comptable.
Contextualiser, donner de la perspective. Se focaliser sur les 12 mois à venir est souvent très limitant, lorsque le projet est construit pour le long-terme… une solution parfois utile est de combiner la construction du « business plan » (ou son actualisation) et celle du budget.
Accepter l’incertitude. Qu’il soit réaliste ou ambitieux dans sa déclinaison chiffrée, le budget est par nature incertain… Inutile donc d’entrer dans des détails fastidieux, ou des modélisations complexes. Mieux vaut souvent simuler 3 scénarios simples (mais rigoureux), permettant de baliser des futurs prévisibles.
Rester simple et accessible. Certes les scénarios projetés doivent assurer la rentabilité de l’entreprise, mais les chiffres doivent être compréhensibles pour tous, puisqu’ils ont vocation à être partagés. La traduction en indicateurs de gestion connus des données budgétaires comptables est un effort payant.
Résultats partagés. Cela va sans dire : pour faire du budget un outil d’appropriation du projet, encore faut-il le partager. Et permettre bien sûr au groupe de travail qui y a travaillé de s’en charger.

Le budget est un indicateur plus qu’un objectif

Enfin, si le résultat des discussions budgétaires permet de donner du concret au projet commun, sa traduction chiffrée peut facilement enfermer l’entreprise dans un carcan. Quelques pistes pour éviter de transformer votre budget en prison :
Eviter de faire de l’atteinte du budget le Graal pour les 12 mois à venir. En particulier, la déclinaison du budget en objectifs pour primes est généralement destructrice pour le collectif. Cette pratique transforme la démarche budgétaire en une négociation salariale, dénaturant radicalement son objet. En outre, les collaborateurs ne sont pas des ânes, inutile de leur présenter des carottes (mais c’est un autre débat…).
Faire du budget une référence « relative ». Comme déjà évoqué, le budget est une référence naturelle lorsqu’on veut prendre le pouls de l’entreprise tout au long de l’année. Il n’en reste pas moins incertain par nature… d’où l’intérêt de faire référence à des scenarios plutôt qu’à un budget figé.
Entrer dans une logique de « rolling forecast » (mise à jour périodique du budget) ? Cette démarche présente un intérêt pour le pilotage économique (assurer la pérennité, adapter le couple revenu/charges), mais suppose des compétences et du temps, souvent indisponibles dans les PME.

En résumé, la démarche budgétaire peut servir plusieurs objectifs et se révéler être un outil catalyseur extrêmement utile à la collaboration au sein de votre entreprise.

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