The Idea : une certaine idée du management

Altman Partners a décidé d’accompagner le projet des Baroudeurs de l’Innovation Managériale, une aventure autour du monde de deux étudiants, à la découverte des pratiques d’organisation innovantes. Une source d’inspiration pour vos projets.
Découvrez ci-dessous leur rencontre avec The Idea, une entreprise cambodgienne, qui a mis en oeuvre un système de management original et plein de bon sens. Par Hugo Chatel et François Force.

The Idea est une jeune agence marketing. Jeune par sa création en 2014 mais aussi par ses employés, ici les trois quarts ont moins de 35 ans. Galeno Chua ou « Mr. G », le PDG de l’entreprise de 25 salariés nous accueille.
Alors que nous présentons plus en détail la raison de notre visite, il se saisit d’un marqueur et prend des notes à même la table, « pour ne rien oublier ». Pragmatisme, dynamisme et franc-parler, nous ne tardons pas à découvrir quelques qualités de notre interlocuteur. A peine notre présentation terminée, Galeno commence à répondre à nos questions. Tout naturellement, il nous explique la démarche de l’entreprise à partir des « 7 P du marketing » bien connus des étudiants d’école de commerce. Produit, Personnes, Prix, Processus, Place, Promotion, Preuves matérielles sont à la base de toute stratégie marketing. Mais, pour Galeno, s’il y a un P qui va être déterminant et agir sur les 6 autres c’est bien celui de Personnes.


Très bien, mais comment cela se traduit-il ? Tout d’abord par un principe singulier : 40% du temps de travail est consacré à des actions de RSE – Responsabilité Sociétale de l’Entreprise. Volontariat, missions de conseil gratuites, événements solidaires, voici les différentes actions qu’entreprennent les employés de The Idea en faveur de l’éducation, de la santé ou encore de l’environnement. Pour l’entreprise et ses employés il est essentiel que cette politique RSE se traduise en actions concrètes et utiles pour la population cambodgienne.The Idea n’est pas une entreprise sociale pour autant, alors pourquoi consacrer 2 jours de travail sur 5 à travailler gratuitement ?

La réponse est très claire : rassembler les employés autour de valeurs et de missions communes et donner davantage de sens à leur travail. Volontairement provocateur Galeno nous annonce: « Je veux que mes employés aient faim ! S’ils ont faim ils mangeront le repas de tous les autres. » Cette faim de changement et de progrès que Galeno veut générer chez ses employés se traduit aussi bien dans les actions sociales menées pour le Cambodge qu’en travaillant pour les clients de l’entreprise.
La seule motivation ne suffit pas à la réussite d’une entreprise, elle doit être mise au service des compétences d’une équipe performante. Pour garantir cela, The Idea a plus d’une idée. Tout d’abord, avoir une équipe diversifiée car « si l’on est tous pareils et qu’on fait la même chose, on n’est pas compétitifs ». Puis, pour s’assurer que les différents profils recrutés vont s’intégrer à l’équipe, les candidats passent trois entretiens avec trois personnes différentes. Ils rencontrent ainsi un supérieur, un collaborateur de même niveau hiérarchique et une personne qui sera potentiellement sous leur responsabilité. Bien entendu, le candidat ne sait pas qui occupe quel poste et celui-ci n’est engagé que si les trois sont d’accord. Ainsi, si le subordonné considère que le candidat fera un mauvais manager il peut empêcher son recrutement. Une fois cette barrière passée, le candidat aura le droit à une semaine payée avant le début de sa période d’essai afin d’être certain que l’entreprise lui correspond. Dans le cas contraire, il peut partir à n’importe quel moment.

Une fois l’équipe constituée et motivée, il reste à faire en sorte qu’elle soit performante. Pour cela team-building et team-bonding sont bien entendu nécessaires. Le premier apprend aux employés à travailler ensemble à travers entrainements et coachings, le second crée des liens sociaux entre les collaborateurs grâce à toute sorte d’activités et sorties. Au cours de ces activités, Galeno, aime pousser ses équipes hors de leur zone de confort afin de voir comment ils réagissent. Compétitions diverses et escape game sont monnaie courante mais ce passionné d’escalade nous confie aussi à voix basse son projet de faire suspendre ses managers au-dessus du vide afin de travailler leur gestion du stress. Plus sérieusement, à la manière d’universités proposant des échanges académiques, l’entreprise offre la possibilité à ses employés de participer à un « talent exchange » avec une entreprise néo-zélandaise. Plusieurs employés ont ainsi l’opportunité de partir 3 à 6 mois à l’étranger pour apprendre et se perfectionner dans une entreprise « partenaire », tout en étant rémunérés. Ces différentes mesures s’inscrivent dans une logique de progression continue des employés visant à contrer le « Principe de Peter ». Ce concept développé par Lawrence Peter, part du constat qu’un employé compétent bénéficiera de promotions successives jusqu’à ce qu’il atteigne son niveau d’incompétence d’où il ne bougera plus. Vous l’aurez compris, le corollaire direct de ce principe est qu’à terme, tous les postes seront occupés par des « incompétents ». Si l’œuvre de Peter se veut d’un ton satirique, elle n’est pas pour autant vide d’enseignement. Dès lors, l’entreprise met tout en œuvre pour faire résonner chez ses employés le leitmotiv de son PDG : « soyez le meilleur dans tout ce que vous faites ».

Outre ces pratiques, une grande liberté est laissée aux employés quant à la prise d’initiative et à la façon de travailler. Galeno en explique la raison en citant un autre précepte, celui de Charlie Munger, ami fidèle de Warren Buffet : « Restez dans votre cercle de compétence, n’investissez [votre argent] que dans ce que vous connaissez. » La finance nous apprend ainsi qu’il vaut mieux laisser aux autres les domaines qu’ils maitrisent mieux que nous. Entre humilité et pragmatisme, voilà une raison qui pousse l’entrepreneur à laisser l’initiative à ses employés lorsqu’ils sont plus compétents que lui. Ainsi, lors d’une des réunions quotidiennes, si un employé propose une idée, la réponse quasi-systématique sera : « bien sûr, lance-toi, essaie, et si ça fonctionne tu le mettras en place». Outre cela, tolérance et gratitude sont des piliers fondamentaux de la collaboration au sein de l’agence. Tout cela fait de The Idea un bel exemple d’entreprise engagée et engageante.

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