Trois croyances qui vous empêchent de faire changer votre entreprise

Chers dirigeants,

Peut-être avez-vous le sentiment qu’il est difficile de faire évoluer votre organisation ? Que vos collaborateurs rechignent à mettre en place des réformes qui vous paraissent pourtant évidentes et nécessaires ? Que vous êtes le seul à vous préoccuper vraiment de l’avenir de l’entreprise alors que vos collaborateurs restent focalisés sur leurs intérêts personnels ? Peut-être encore recherchez-vous à favoriser plus d’engagement et d’initiative de la part de vos équipes sans y parvenir ?
Si vous avez répondu « oui » à l’une au moins de ces questions, ce qui suit pourrait vous intéresser…

Par Thierry Gauthron, co-fondateur d’Altman Partners et co-auteur de « la transformation permanente » (EMS)

En résumé, vous voulez faire évoluer votre organisation, mais vous vous heurtez à la résistance active ou passive de vos équipes… Bonne nouvelle ! Vous êtes le principal responsable de cette résistance. Parfaitement ! Ceci est une bonne nouvelle, dans le sens où puisque vous (ou vos prédécesseurs) avez-vous même généré la situation, vous avez aussi la possibilité d’y remédier. De la provocation ? pas vraiment…

Quand nous disons que vous êtes responsables de cette résistance, nous pourrions préciser en disant que ce sont vos croyances qui en sont responsables. Ces croyances qui, à partir d’une bonne impulsion de départ – le besoin de changer pour adapter l’entreprise à son environnement – vous font agir d’une manière qui va au mieux gêner, au pire empêcher, le changement de prendre forme.
Quelles sont ces (fausses) croyances ?
Croyance 1 : C’est au dirigeant de « penser » le changement
Croyance 2 : Changer, c’est mettre en place une nouvelle organisation
Croyance 3 : Mes collaborateurs sont incapables de prendre en charge le changement

Abordons successivement chacune d’entre-elles pour la re-questionner.

Fausse croyance n°1 : C’est au dirigeant (ou à la direction) de « penser » le changement

Dans de nombreuses entreprises, lorsqu’on parle de changement ou d’organisation, le dirigeant est à la manette. C’est lui (ou son équipe de direction) qui observe ce qui ne va pas, en tire des conclusions, se creuse la tête pour imaginer des solutions organisationnelles qui vont permettre d’adapter l’entreprise à l’évolution de son activité, de supprimer les silos organisationnels, de mieux servir les clients ou encore de responsabiliser les collaborateurs… Une fois ces solutions réfléchies, les plus parfaites possibles, et conçues parfois jusque dans les moindres détails (une nouvelle procédure, un nouveau poste…), le dirigeant communique à ses troupes son nouveau projet d’organisation et fait appel à des spécialistes de la « conduite du changement » pour faciliter sa mise en œuvre.

Après tout, puisqu’il est informé de la stratégie, des enjeux économiques, de la situation de marché de l’entreprise et qu’il connaît bien ses équipes, qui serait mieux placé que lui pour réfléchir aux changements nécessaires pour son organisation ?

Il est évident que le regard du dirigeant est indispensable à la réflexion interne sur le changement. Est-ce pour autant à lui de réfléchir, seul dans son bureau ou avec son comité de direction (il ne faudrait pas qu’il y ait des fuites avant la grande annonce…), à la forme que devrait prendre la future organisation ? Nous ne le croyons pas.

Selon Gary Hamel, le management est une des rares technologies qui n’a pas évolué plus de 100 ans après son invention. Le problème est que cette technologie est basée sur l’idée selon laquelle vos salariés rechignent à la tâche, fuient le travail et les responsabilités et sont incapables de comprendre les enjeux de l’entreprise…

Notre expérience est à mille lieux de cette vision : vos salariés voient très bien ce qui dysfonctionne dans votre organisation. Ils perçoivent parfaitement ce qui déplait à vos clients et ce qu’on pourrait faire en plus pour les satisfaire. Ils ont aussi repéré depuis longtemps les salariés qui nuisent à la réussite de votre entreprise… Le plus souvent, ils ne vous le disent pas parce que vous ne leur posez pas la question ou plus simplement parce qu’ils ne se sentent pas en confiance pour l’exprimer.
Non seulement ils sont collectivement mieux placés que vous pour repérer les problèmes, mais également pour réfléchir aux améliorations possibles pour y répondre. Plus proches du terrain, plus souvent face aux clients ou aux machines de votre usine, vos dizaines, centaines ou milliers de salariés, dès lors qu’il est possible de les faire travailler ensemble dans un cadre qui préserve leur efficacité collective, sont capables d’une intelligence et d’une ingéniosité que vous ne soupçonnez probablement pas.

L’autre avantage de leur laisser la main sur les solutions, c’est de faire disparaître d’un coup de baguette magique le fameux problème de la « conduite du changement ». Plus besoin de convaincre quelqu’un du bienfait de telle ou telle solution dès lors que ce quelqu’un a participé à son élaboration.

Fausse croyance n°2 : Changer, c’est mettre en place une nouvelle organisation

Trop souvent, les dirigeants imaginent que changer, c’est « pondre » une nouvelle organisation. En partant de cette idée, ils cherchent LA nouvelle organisation. Celle qui va répondre à l’ensemble des enjeux de l’entreprise pour les 3 ou 4 ans à venir. Quelle pression inutile ! Ce paradigme transforme le changement en un chantier complexe et fastidieux qui prend du temps et bouscule tout le monde.

La révolution n’est pourtant pas nécessaire. Au fond, changer c’est simplement résoudre des problèmes ! Tel pan de l’organisation dysfonctionne… quelles sont les solutions pour y répondre ? Tel service n’est pas assez performant… comment le faire évoluer ?
Evidemment, on ne peut pas résoudre d’un seul coup tous les problèmes ou les dysfonctionnements de l’organisation. Ce n’est pas grave, commençons par les deux ou trois principaux, ceux qui nous préoccupent le plus… Nous nous occuperons des autres dans quelques mois… La logique des petits pas. Tout cela n’est que du bon sens !

Si vous laissez vos salariés s’emparer du changement dans votre entreprise et que vous avez réuni les conditions pour qu’ils aient envie de s’investir (voir notre croyance n°3), ce sont bientôt eux qui vont s’occuper d’identifier et résoudre les problèmes de l’organisation. L’un après l’autre, sans avoir besoin d’une révolution.

Dans cette perspective, le changement ne se regarde plus comme une étape obligée tous les 2, 3 ou 4 ans, mais comme un processus naturel qui s’opère au fil de l’eau. Il n’est rien d’autre qu’une succession de boucles d’identification, de sélection et de résolution des problèmes de l’entreprise. C’est ce que nous appelons la « transformation permanente ».

Pour illustrer cette manière de procéder, je vous invite à (re)lire notre article sur Hervé Thermique qui montre comment cette vision du changement s’incarne depuis 45 ans dans une entreprise de près de 3000 collaborateurs.

Fausse croyance n°3 : Mes collaborateurs sont incapables de porter le changement

Observer les réactions de dirigeants à qui nous citons des exemples d’entreprises telles que Poult, Hervé Thermique, GT Location ou Chronoflex… est très instructif. La réaction commence souvent par quelque chose comme : « Oui, je comprends, c’est très intéressant, mais tu sais avec mes salariés c’est différent… », puis arrive derrière l’une ou plusieurs des phrases suivantes :
• Eux ils ont des gars d’un certain niveau, moi c’est différent…
• Ça c’est des grosses boites, nous dans les PME c’est différent…
• Ça c’est des PME, nous dans les grandes boites c’est différent…
• Dans leur secteur d’activité, je comprends, mais dans le nôtre, c’est impossible…

Bref, des croyances limitantes ! Depuis deux ans nous sommes intervenus dans des entreprises de 15 à 3 000 salariés dans des secteurs aussi variés que l’industrie du meuble, la post-production audiovisuelle, le transport du gaz, les assurances, l’évènementiel, l’édition de logiciel avec des équipes d’ouvriers, de développeurs informatiques, d’ingénieurs, de cadres de proximité, de managers de haut niveau… Bilan : pas ou peu de différence!
Nous ne sommes pas en train de dire que toutes les transformations se passent de la même manière et à la même vitesse, mais que toute entreprise quelle que soit sa taille, son secteur ou la qualification de ses collaborateurs peut compter sur ses équipes pour s’emparer du changement… A partir du moment où les conditions le permettant ont été réunies.
Mais quelles sont ces conditions ? Elles sont évidentes à comprendre et moins évidentes à remplir. Pour que les salariés vous aident à transformer l’organisation, il faut selon nous en réunir au moins trois :
Qu’ils en aient envie (la motivation, l’engagement, la confiance en l’entreprise),
• Qu’il n’y ait pas de tension trop importante au sein du collectif ou avec la direction et que la parole soit libérée,
• Qu’ils aient appris à travailler avec les outils de l’intelligence collective qui permettent à un groupe d’individus d’avancer rapidement et sans dispersion dans l’analyse des problèmes et la prise de décision.

Pour plus de détail sur ces trois conditions, je vous invite à consulter notre article sur les ingrédients de l’entreprise agile.

Puisque la première condition est la motivation des équipes, peut-être est-ce l’occasion de faire remarquer que la simple phrase « mes collaborateurs ne sont pas capables de… » suffit à identifier un dirigeant confronté à des enjeux à ce niveau-là. Car cette phrase n’est pas la conséquence du manque d’engagement, elle en est au contraire la source. Ce manque de confiance dans la capacité des équipes se traduit généralement par un système de management adapté qui réduit la liberté des acteurs et les démotive. Nous observons, dans le cadre de nos interventions, que la majorité des individus sont naturellement enclins à apporter leur énergie à leur entreprise s’ils considèrent que celle-ci mérite leur investissement. En portant ce jugement (« Ils ne sont pas capables de… ») et en déployant des systèmes de management et de contrôle qui montrent que vous n’avez pas confiance en eux, croyez-vous mériter cet engagement ?

Une fois la parole et les tensions libérées et les équipes engagées, leur mise en action pour résoudre les principaux problèmes de l’organisation peut se faire dans un temps très court. Nous avons récemment expérimenté ce genre de travail dans une PME de 50 personnes où en quatre heures nous avions collectivement sélectionné les 6 principaux problèmes à traiter dans l’organisation, et en quatre heure de plus, identifié des solutions concrètes et des groupes de travail motivés pour les mettre en œuvre.

Nous espérons que cet article vous aura convaincu de l’intérêt de revisiter vos croyances par rapport au changement et d’expérimenter la confiance dans vos équipes pour s’en occuper. Avec beaucoup de plaisir et de facilité je vous le promets… à partir du moment où vous serez parvenu à réunir les conditions évoquées ci-dessus.

Rappelons-nous la sagesse de Peter Senge : « People don’t resist change, they resist being changed ! » ou « Ce n’est pas que les gens n’aiment pas changer, c’est qu’ils n’aiment pas qu’on les change ! ».

Chez Altman Partners, nous accompagnons le développement de la dynamique collective de nos clients.

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